lundi 25 juin 2012

Mission Catholique de Kapanga (Histoire)

CHAP II DE LA PREFECTURE APOSTOLIQUE DE LULUA-KATANGA CENTRAL AU DIOCESE DE KOLWEZI




Il convient de remonter à la Préfecture Apostolique Lulua-Katanga Central pour mieux comprendre la naissance du Diocèse de Kolwezi et de la Mission de Kapanga.

Le 15 juin 1920, la Propaganda Fide, à Rome, charge les Pères Franciscains de se rendre dans la région du Moyen-Katanga et la région de Lulua.

En effet le Cardinal Van ROSSUM avait signalé à Rome une extension rapide du protestantisme. Verbalement, il écrivit ce qui suit : « les protestants propagent leurs enseignements pernicieux dans cette région. Nous ne pouvons plus observer cela passivement longtemps encore. »

Ainsi, en juin 1920, le Cardinal obtint de Rome une réponse favorable, c’est alors qu’il remit au « Très Révérend Père Albert LISMONT, ministre provincial de Belgique, une lettre dans laquelle il le priait d’envoyer beaucoup des missionnaires dans cette région.

Quelques mois plus tard, le Père Théophile TIELEMANS et un autre Père s’embarquèrent pour le Congo. C’était le 1er octobre 1920. Ils n’arrivèrent au Katanga et plus précisément à Kanzenze, qu’en Avril 1921 en passant par Matadi.

Par ailleurs, ayant quitté l’Europe à la mi-novembre 1920 et faisant leur entrée par l’Afrique du Sud (cap Town), les Pères franciscains Valentin STAPPERS et Sabin SERNEELS ainsi que les Frères Remi BOEVER et Justin COSTER foulèrent le sol Katangais déjà le 15 Décembre 1920. Ils s’installèrent dans la mission de Kanzenze fondée déjà par les Scheutistes en 1909.

C’est l’équipe de Père STAPPERS qui fondera la Préfecture Apostolique de Lulua-Katanga Central. Deux autres Pères viendront les rejoindre en Novembre 1921. Il s’agit des Pères Florentin DE SMEDT et d’Ernest VAN AVERMAET. Ces deux nouveaux prêtres, s’adjoignant au Père STAPPERS, le supérieur, vont fonder en 1922, la mission de Sandoa. Avec ces deux postes de Mission franciscaine, le Saint-Siège jugea opportun d’ériger cette contrée en Préfecture. Elle fut dénommée PREFECTURE APOSTOLIQUE DE LULUA-KATANGA CENTRAL, ce fut le 18 juillet 1922. Et le Père Valentin STAPPERS en fut nommé Préfet Apostolique. Cette forte personnalité devra désormais présider à la destinée de cette contrée par Rome lui confiée.

Le travail évolua rapidement. D’autres postes de mission vont, en effet, surgir : Kafakumba en 1925, Dilolo-Poste en 1927, et Kapanga en 1929.

Le Préfet Apostolique alla s‘installer à Luabo près de Kamina. C’est à Luabo finalement où fut transféré le siège de la Préfecture.

Le Saint-Siège remarqua la bonne évolution de la situation et pour récompenser cet engouement missionnaire il fit passer la mission franciscaine de Lulua-Katanga Central du statut de Préfecture à celui de Vicariat Apostolique, le 26 février 1934. Monseigneur STAPPERS fut nommé le même jour Vicaire Apostolique et le T.R.P. VAN AVERMAETS, Pro-Vicaire et Vicaire-Délégué.

A titre d’information, la Préfecture Apostolique et le Vicariat Apostolique sont une portion déterminée du Peuple de Dieu qui, à cause de certaines circonstances, ne sont pas encore constitués en Diocèse. Ils sont gouvernés au nom du Pontife Suprême. Le Préfet et Vicaire ont bien un pouvoir ordinaire, mais seulement vicarial.

Souvent en pays de Mission, c’est l’étape par laquelle on passe avant l’implantation des diocèses, véritables églises particulières.

Les franciscains venaient donc de planter définitivement la Croix du Christ dans le sol de nos ancêtres. Les postes de Mission vont se développer, les missionnaires étant animés par le zèle apostolique et leur opiniâtreté à vaincre les difficultés.

Monseigneur STAPPERS y consacra beaucoup de générosité : dès les premières années les conversions se comptaient par centaines et bientôt par milliers.

Mieux encore, dans les années 1940, on assista déjà aux premières ordinations des autochtones : Monsieur l’Abbé Barthélemy Malunga en 1945 à Luabo, et Monsieur l’Abbé Sabin Makondo, le 27 juillet 1947 (le premier prêtre de Kasaji et de toute cette Sous-région)

Vers les années 1950, Monseigneur STAPPERS dut démissionner. Nous lui reconnaissons le mérite d’avoir mis sur rails les deux futurs diocèses de Kamina et de Kolwezi. Il est remplacé par le Père Victor KEUPPENS, depuis le 25 juin 1950.

Monseigneur Victor KEUPPENS se dépensera aussi corps et âme au bénéfice de ce Vicariat qui, dans l’entre-fait, venait d’être institué en Diocèse de Kamina (comprenant la Sous-région du Haut-Lomami, la Ville de Kolwezi et la Sous-région de la Lulua : Dilolo, Sandoa, Kapanga). C’était le 10 Décembre 1959. Il vivra vingt ans à la tête de ce Diocèse, parcourant nos villes et villages pour administrer les sacrements de confirmation, conforter la foi du Peuple de Dieu…

En 1967, il commença les démarches qui devaient aboutir à la scission du vaste Diocèse en deux parties. Initialement, Monseigneur avait plutôt prévu que la scission se ferait en trois parties qui seraient dénommées :

- Diocèse de Kamina : avec son Siège apostolique sis à Kamina, il se composerait des centres de Kamina, de Bukama au sud, de Kaniama au Nord, et à l’Est, Kinkondja serait la limite.

- Diocèse de Kolwezi avec Kolwezi comme Siège, en feraient partie : Mutshatsha, et Dilolo.

- Diocèse de Kapanga : Siège apostolique à Kapanga, la zone de Sandoa y serait annexée

A la suite des rencontres entre évêques du Katanga, à la suite d’une abondante correspondance, on accepta la scission du diocèse de Kamina en deux parties, du moins dans l’immédiat. Le Diocèse de Kamina avec les frontières lui assignées ci-haut. Et le Diocèse de Kolwezi qui annexerait aussi Kapanga et Sandoa sous cette condition, écrit Monseigneur Eugène Kabanga, qu’on prévoit déjà la constitution de ce troisième Diocèse dès que le personnel nécessaire serait disponible (cfr lettre du 5 février 1971).

Mgr G. BOUVE ; Mgr Alain Le Roy et une lettre du Père Provincial de la province Saint Joseph de Belgique abondèrent dans le même sens pour une subdivision en trois parties de l’actuel Diocèse de Kamina.

Le 11 Mars 1971, par la bulle « Ad perpetuam rei Memoriam » de Paul VI, la scission du Diocèse fut finalement faite en deux parties. Le 18 Mars 1971, la Nonciature Apostolique communique que le Saint Siège a érigé le nouveau Diocèse de Kolwezi, détaché de celui de Kamina.

Le Saint-Siège transféra S.E. Mgr Victor KEUPPENS du Siège de Kamina à celui de Kolwezi. Il nomma le même jour, S.E. Mgr Barthélemy MALUNGA, évêque résidentiel de Kamina. Kolwezi fut érigé ainsi en 47e diocèse de la République Démocratique du Congo.

Ainsi aboutirent les efforts de Mgr KEUPPENS pour la scission qu’il envisageait. Il a fallu beaucoup de tractations entre Mgr KEUPPENS et les autres évêques de la Province ecclésiastique de Lubumbashi, et des interventions ponctuelles de S.E Mgr TORPIGLIANI, alors nonce Apostolique à Kinshasa.

Du 18 au 19 Novembre 1971 se tint un Conseil Presbytéral à Kolwezi au cours duquel l’abbé Miche NAWEJI fut élu Vicaire Général du Diocèse, et Mgr KEUPPENS entérina les résultats de l’élection du Conseil.

Mgr KEUPPENS resta encore trois ans au siège Apostolique de Kolwezi. Bientôt, il se sentait déjà défaillir, il fallait donc songer à son remplacement. Ainsi, l’abbé Floribert SONGASONGA de l’Archidiocèse de Lubumbashi fut nommé à la tête du Diocèse de Kolwezi. Le 24 Aout 1974 le Cardinal Joseph Albert MALULA le sacrait Evêque de Kolwezi au théâtre de la Verdure à la cité- Gécamines-Kolwezi.





CHAP III LES PIONNIERS DU CHRISTIANISME A KAPANGA



C’est en 1929 qu’arrivèrent les premiers Franciscains à Kapanga en provenance de Sandoa. Il s’agit des Pères Evrard LAUWERIJS, de Père Ammans SMEETS et de Frère Remi. Avant cette date, le peuple lunda avait seulement entendu parler de l’Eglise catholique et de ses « Pères ». Le Kasaï voisin était déjà, en effet, évangélisé et la zone de Sandoa, dans la province du Katanga, était déjà constituée en mission catholique. Certains habitants de Kapanga ont même pu obtenir des sacrements à partir de ces missions voisines : c’est le cas, par exemple, du chef Mwin Masak Kalamb Albert qui fut baptisé à Tielen-Saint Jacques Tshilomba dans le Kasaï. Tandis que le Chef Mwin Kapanga TSHIZAU René arrivera à Kapanga déjà baptisé par les Pères de Sandoa. Ces chrétiens, et d’autres encore, seront, selon les registres de baptêmes de la mission de Ntit, les parrains de plusieurs premiers chrétiens de Kapanga. Le premier chrétien inscrit dans le registre de Kapanga est Théophile MUKISH KAPEND, baptisé par le R.P. Evrard, le 19 avril 1930.

Cependant, selon une certaine tradition, on raconte qu’il y aurait eu, auparavant, un missionnaire scheutiste du Kasaï qui serait venu à Kapanga en 1909. Ce Père se serait même installé au-delà de la Raz, entre Nfachingand et le village Kaleng. L’ouvrage NGAND YETU, à la page 58, raconte que « ce missionnaire vint de Malandj(Luluabourg) à Mikalay, il demeura 3 mois à Kapanga, puis s’en retourna d’où il était venu emmenant avec lui quelques jeunes dont l’un fut le fils de Mwant Yav MUTEB-A-KASANG, qui s’appelle Mushitu Henri. Le Père Willy SMEET, chroniqueur que nous avons consulté, parle aussi de ce fameux Père scheutiste venu de Mikalay à Kapanga. Selon toute vraisemblance, ce prêtre n’aurait pas eu alors l’intention de s’installer à Kapanga pour évangéliser ou administrer des sacrements.

Par contre, la présence officiellement reconnue des scheutistes au Katanga, est celle signalée à Kanzenze, la même année 1909. (Voir ci-dessous).



a. LE VOISIN SCHEUTISTE

Les scheutistes sont arrivés à Luluabourg (Kananga) en 1891, à 366 km de Kapanga. Plus précisément ils s’installèrent à Mikalayi où ils fondèrent une grande mission. Ils commencèrent naturellement par une cabane en branches des palmiers. Le fondateur de ce poste de mission fut le fameux Père CAMBIER. L’ouvrage rédigé par P. SCHEIDER (histoire de l’Eglise Catholique du Kasayi) est très éloquent là-dessus. Il raconte que la première nuit se passa sous la tente. Et la messe fut célébrée pour la première fois sur la colline de Mikalayi le 08 décembre 1891, à la fête de l’Immaculée Conception. La tradition vient de Mgr De CLERQ, premier Evêque du Kasaï. Cette mission fut dédiée à Saint Joseph.

Notre auteur signale aussi que les premiers missionnaires eurent une vie matérielle très difficile. C’est ce que témoigne le Père CAMBRIER lui-même lorsqu’il écrivait : « notre vie matérielle était misérable. Fin 1891, je me suis trouvé seul à Luluabourg. Faute de vin, pas moyen de célébrer la messe. Pas moyen de me confesser, mon confrère le plus proche étant à un mois de distance. Il m’a fallu me faire construire une cabane, puis une hutte en pisé et chercher ma nourriture… »

C’est ce Père qui entreprit aussi un voyage héroïque à pied, jusqu’à Kanzenze au Katanga avec sa disponibilité qu’il exprimait toujours en ces termes : « on le veut, incluons-nous et allons-y ». On ne sait rien de ce qui arrivera à la suite de ce voyage où le Père CAMBRIER passa par Hemptine, Mérode, Tielen, Kayembe-Mukulu…

Les véritables fondateurs de la mission de Kanzenze furent plutot les Pères VANDERMOLEN, VANCOILLIE et le Frère Hippolyte FIERS. Ils arrivèrent à l’Etoile du Congo (Lubumbashi) le 06 mars, et en septembre 1909, ils atteignirent RUWE (Kolwezi).

C’est en octobre 1909, qu’ils arrivent enfin à Kanzenze. Les Pères scheutistes montrèrent peu d’enthousiasme pour cette époque expriment toujours des plaintes de l’éloignement de sa chère mission de Mikalayi. Il était surtout déçu par la faible densité de la population dans cette contrée.

Plus tard, lorsque les Franciscains, en 1920 seront préposés à prendre Kanzenze, les scheutistes accepteront volontiers de leur céder ces terres.

b. LE CHRISTIANISME DES PROTESTANTS METHODISTES

L4Evang2lisation de Kapanga est d’abord, et avant tout marquée par la présence très influente du protestantisme américain. Nous nous rappelons que c’est à cause de cela surtout, que le Saint Siège de Rome voudra bien contrer la propagation de l’Enseignement pernicieux de nos frères séparés (les protestants).

C’est en 1912 que Monsieur et Madame SPRINGER sont arrivés à Musumba, reçus par MWANT TAV MUTEB, nous raconte Ngand Yetu (pp 84, 89).

Après avoir installé leur tente, ils se sont vite mis à l’œuvre en apprenant aux gens à prier, à exécuter des chants religieux… mais cette première expédition à Musumba fut de courte durée. Le couple américain dut rentrer au Pays de l’Oncle Sam, promettant au Mwant Yav qu’il reviendrait l’année suivante accompagné d’un médecin.

Sur leur chemin de retour, Monsieur et Madame SPRINGER rencontrèrent un pasteur noir appelé KAYEK CHANGAND. Ils lui demandèrent d’aller à Kapanga et d’y assurer l’évangélisation en leur absence. KAYEK CHANGAND dont la mère Chivumb Kapalang était fille du chef Kazemb à Lukoji, (cfr Ngand Yetu, p.141 et 160) avait été vendu esclave en Angola. Le sort le mit en contact avec des missionnaires méthodistes qui l’ont aimé et fait de lui un pasteur efficace. Il retourna donc sur la terre des aruund, la terre de ses ancêtres en 1913 (Ibidem, p.93). Il y enseigna la parole de Dieu tout en dispensant quelques bribes d’alphabétisation aux jeunes gens de Musumba.

Quelques mois plus tard, la même année 1913, arrivait Monsieur HENKLE. C’est à lui que revint, pratiquement, la tache de la construction de la mission méthodiste de Musumba.

En 1914, on accueillit le médecin de la promesse, le Docteur PIPER et son épouse. Ils donnèrent naissance à une fille qu’ils nommeront Ruth MUTEB. Le père de Ruth Muteb, le Docteur PIPER devint ainsi, selon la désignation du terroir, Docteur Samuteb.

Après ces premiers missionnaires la voie du méthodisme était désormais ouverte. Les américains feront de Musumba leur fief, évangélisant, éduquant, construisant. Les lundas adoptèrent nombreux cette nouvelle religion. On forma des pasteurs indigènes, des infirmiers, des enseignants…

En mémoire de KAYEK CHANGAND, la mission méthodiste de Musumba porte aujourd’hui le nom de KAYEK ; tandis que l’hôpital principal de Musumba est dédié au Docteur PIPER et est appelé Hôpital MEMORIAL SAMUTEB.

c. LA PENETRATION ENERGIQUE DU CATHOLICISME A KAPANGA

Kapanga étant considéré comme une terre sous-tutelle méthodiste (entendez américaine), on ne pouvait qu’à peine imaginer une éventuelle »conquête » des missionnaires catholiques (entendez belges). Pendant plus de quinze ans les protestants régneront en maitre à Musumba.le 16 mai 1929, les premiers missionnaires catholiques débarquèrent à Kapanga, sous l’œil méfiant des méthodistes. Il s’agit de Père Evrard et de Frère Remi qui furent immédiatement suivis par le Père Amans.

Cependant ces premiers missionnaires belges ne se sentirent pas du tout dépaysés. Ils furent, en effet accueillis par la communauté européenne du poste de Kapanga. Le chef de Poste de Kapanga demanda aux Franciscains nouvellement arrivés de s’installer à Kapanga même, Chef-lieu du Poste.

On pouvait aussi lire la joie dans les yeux de certains indigènes d’avance conquis à la cause catholique.

Dans le cortège qui accompagnait les missionnaires venants de Sandoa, il convient de noter la présence de deux autochtones très influents : Mudikit Alphonse et Chizau René. Ils furent des auxiliaires très utiles dans la propagation de la foi catholique, pendant ces premières années.

Désormais à Kapanga, comme bientôt à Musumba, il fallait compter avec les catholiques.

Les agents coloniaux le savaient beaucoup mieux que quiconque dans cette contrée perdue du Congo-Belge.

Il est à noter que le protestantisme au Congo est aussi vieux que le catholicisme. Son installation a obéi à certaines exigences : à l’origine, il s’agissait de dresser des barrières à l’extension de l’Islam ; puis par la suite les stations protestantes s’attelèrent à contrebalancer le catholicisme. Voici quelques stations protestantes et leur installation au Congo :

 Baptist Missionnary Society (1882)

 American Baptist Foreign Mission Society (1884)

 Garenganze Evangelical Mission (1886)

 Mission Méthodiste au Sud Congo (1913)

Mais à cette époque l’Eglise catholique resta l’Enfant – Chéri de l’administration coloniale belge au Congo.

En principe, le Congo-Belge était un état laïc. Mais à cause des convoitises politiques et économiques des puissances Anglo-Saxonnes la petite Belgique se vit obligée de renoncer au principe de libre exercice de toutes les confessions. C’est alors que le pouvoir Belge se mit à favoriser sans scrupule et presque exclusivement les missionnaires Catholiques. On consacra presque la trilogie Agent Colonial – Agent Commercial – Agent Missionnaire (catholique) tous travaillant dans un climat de parfaite collaboration. On soutint sans réserve les missions catholiques en leur accordant des subsides, des concessions des terres très vastes et beaucoup d’autres faveurs. L’Eglise Catholique eut presque un monopole dans le système éducatif : beaucoup de grands collèges au Congo et l’Université Lavinium de Kinshasa sont catholiques.

Les Belges considéraient ainsi le Congo comme une propriété inaliénable qu’ils avaient conquise à la sueur de leurs fronts et au prix de leurs vies.

Ecoutez ce poème d’Edmond PICARD :

« Nous l’avons gagné par nos peines

Et par nos poings.

Il est teint du sang de nos veines

Dans tous les coins.

Il n’est pour la Cambriole,

Ce fin morceau.

Ni pour que des mains le volent,

NOTRE CONGO !

Vous tripotez en vraies canailles

O flibustiers

Comptant après nos batailles

Pour piller.

Mais nous avons, pour le défendre

Du poil au dos.

Malheur à qui voudrait le prendre !

NOTRE CONGO ! NOTRE CONGO ! »

Edmond Picard, Notre Congo, 1909

Les craintes de la Belgique étaient, bien sur, justifiées. Les américains débarquaient déjà au Congo en pasteur. L’Angleterre qui avait refusé l’offre de son explorateur Stanley, regrettait ce fait. L’enjeu était donc que le Belge venait en catholique, tandis que les américains et les anglais en protestants.

CHAP IV L’EFFORT D’IMPLANTATION FRANCISCAINE

Essai de périodisation : 2 ou 3 périodes

La rencontre entre deux civilisations totalement étrangères ne peut se passer sans heurts. Pour le missionnaire Belge, ainsi que pour les autres étrangers débarqués à Kapanga l’homme blanc seul est « civilisé » ; tandis que le noir se comportait en « sauvage ».

De ce fait, que des erreurs commises ! Voici ce que rapportent les chroniques reconstitués par le Père Jérôme : « ici, les hommes vivaient comme au temps de Clovis, roi des Francs : en clans.

Les villages sont liés par des sentiers. L’effort du règne est calculé et limité au minimum. Il fait ce dont il a vraiment besoin : construire des huttes, la chasse, la pêche. Il fabrique des machettes, des flèches, des tam-tams et aussi de la bière. L’homme se fabrique une chaise en bambou afin d’admirer de l’ombre où il est assis, la femme qui laboure avec son bébé sur le dos. Ainsi donc, la colonisation vint apprendre à ces hommes qu’on doit travailler pour gagner de l’argent de quoi se payer une radio ou un pantalon et aussi l’impôt. »

C’est dans cet esprit donc, que le colonisateur va aborder l’équation-Afrique. Il fallait « civiliser » le nègre. Pour ce faire, on y alla par étapes. Au moment où les missionnaires catholiques arrivaient à Kapanga, on en était encore à apprendre à construire les villages en briques séchées (briques en potopoto). C’est aussi pendant ces années-là qu’on commença à tracer des routes. On terminait l’axe Dilolo-Luluabourg (Kananga).

Les villages dont la plupart avaient leur centre d’intérêt le long de la rivière Lulua, devaient se déplacer pour s’aligner devant les routes principales : « Quelques sentiers insignifiants de moins pour ces nègres ».

Le paysannat se développa : avec la culture obligatoire de coton, par exemple. Ainsi donc, le fonctionnaire de l’Etat colonise, le missionnaire évangélise et adoucit les mœurs, à chacun sa part de travail dans la colonie.



4.1. LE PERE EVRARD ET LE PERE AMANS.

Monseigneur STAPPERS accorda aux missionnaires qui étaient à Sandoa la permission d’étendre leur mission vers le Nord. Pourtant, pour ouvrir un poste de mission à Kapanga, il n’y avait pas assez de missionnaires.

Malgré cela, le 16 mai 1929, le Père Evrard s’embarquait quand même pour Kapanga en passant par MUTEBA, KADING, DINING. Il retraversa la rivière Lulua et atteignit MUSHIND puis KAROV et enfin MUSUMBA.

Le Chef des lunda, le Mwant Yav, se déclarait d’accord avec la fondation de la mission Catholique, mais à condition que l’Eglise Romaine ne s’installât point à Musumba où les méthodistes avaient déjà installé leur Quartier Général. Ces derniers, en effet, exigeaient de garder le monopole dans la Capitale de l’Empire.

Monseigneur ne pouvait qu’accepter l’alternative d’installer ses missionnaires dans le village de Kapanga à dix kilomètres de Musumba. L’administration Coloniale contribua à bâtir, pour ces nouveaux-venus, une maisonnette et une petite église, un peu en retrait du quartier résidentiel, à peu près devant l’actuel Foyer qui est à Kapanga. Ainsi installés, les Pères ne resteront pas bras croisés sous les ailes protectrices de l’Etat. Ils se mirent à la recherche d’une terre propice pour y fonder une grande mission.

Le 31 mai 1931, le Père Amans, qui avait déjà rejoint le Père Evrard, choisit dans une plaine, la place idéale pour cette fin. C’était sa terre promise près d’un petit ruisseau, Ntit. C’est là que sera construite la Grande Mission Catholique de kapanga. Le projet était de grande envergure. On commença par une habitation provisoire. A ce sujet, nous avons deux sources divergentes sur la date exacte du début de ces premières constructions.

Le Père Willy SMEETS atteste qu’on posa la première pierre de construction de l’Eglise, déjà le 08 aout 1929 dans un acte officiel où l’Administrateur lui-même fut présent. Tandis que les chroniques reprises par le Père Jérôme place le début des constructions tard vers 1931, ce qui, à notre avis, est réaliste et plausible.

Qu’importe ! Il est cependant attesté par tous que c’est le frère Rémi de BOEVER qui construisit ces premières habitations.

Pour officialiser l’installation des Pères à Ntita, il fallait obtenir l’acte de cession des terres de la part du Gouverneur du Katanga à Elisabethville (Lubumbashi).

Les démarches furent entreprises par le Représentant légal de la Mission Franciscaine, Monseigneur Valentin STAPPERS, alors Préfet Apostolique de la Préfecture de Lulua-Katanga Central. Le 7 décembre 1933, il signa un contrat de cession gratuite de terre conjointement avec le Commissaire de Province Monsieur Amour MARON. Ce contrat octroyait aux Pères une superficie approximative de 100 (cent) hectares. (cfr fig.)

Néanmoins la mission devait payer certaines indemnités dont celle à payer aux indigènes pour cession de leurs droits, soit une somme de 100 francs. Les Pères devaient aussi payer 100 Francs pour frais d’indemnité due à la colonie pour le déplacement de son Représentant.

Les premières années furent consacrées essentiellement aux constructions, notamment celle de la mission et de l’église de Ntita.

Les briques furent fabriquées avec la glaise de la rivière Lulua, située à 11 km du site des constructions.

Quant au financement du projet, Monsieur VERRIJKEN de Mechelen (Malines) en Belgique, accepta de mettre à son compte les factures des constructions. Et il émit le vœu de voir l’église consacrée au CHRIST-ROI, le nom que porte encore aujourd’hui la dite mission.

Le Père Evrard célébra son premier Noël sur le sol de Kapanga, déjà la première année de son arrivée, le 25 décembre 1929 : Jésus venait de naitre dans la campagne de Kapanga. Et le labeur ne venait que de commencer.

Par ailleurs, les missionnaires prirent à cœur aussi l’apostolat de brousse : ils ne s’occupèrent pas seulement de Kapanga – Centre, mais ils fondèrent aussi des communautés chrétiennes et des chapelles un peu partout à l’interieur. Vers Chal (Sandoa), ils établirent une chapelle à Mwana – Kaj ; vers Chamba et Musevu, les missionnaires construisirent à Samukaz, vers Ntembo et tout l’axe de la Nkalany, ils basèrent leur « Quartier Général » à Ntembo-même. De toutes ces anciennes constructions, aujourd’hui il ne reste plus que des ruines, les villages ayant suivent changé de site. En 1931, on traduisit complètement le catéchisme en lunda, il sera imprimé à Malines en 1934 sous le titre de « Mazu ma Nzambi. Mukanda wa katekismu Katolika mu dizu da uruunda. »

En 1932, la mission reçut la visite réconfortante du Père Commissaire, le T.R.P. Florent de SMEDT.

Dès leur première arrivée, les missionnaires créèrent des écoles primaires dans plusieurs villages : en octobre 1929, ouverture d’une école à Kapanga ; le 02 juin 1930, à Chishidil ; le 22 juin 1930 à Musumba ; le 10 juillet 1930, à Karl ; en octobre de la même année des écoles à Chamba et à Kambundu.

Pendant plus de trente ans, les missionnaires ne se limitèrent qu’au cap du primaire, aucune structure ne fut mise en place pour favoriser l’émergence des écoles secondaires. Il faudra attendre la fin des années 60.

Ceci est une situation généralement reconnue pour toute la colonie Belge du Congo. C’est ce qu’exprimera des années plus tard Colette BRAECKMAN dans son ouvrage : Le Dinosaure : Le Zaïre de Mobutu, à la page 126. Elle écrit :

« Au contraire des français ou Britanniques, le Belges édifièrent la pyramide de l’enseignement non avec des ambitions de pédagogues, mais avec une mentalité de maçons : de leur point de vue il fallait d’abord étendre très prudemment, le secondaire. »

Conscient de l’incommensurable retard causé par cet état des choses, les Pères de Kapanga essayèrent de se rattraper en envoyant des jeunes dans des milieux plus favorisés où ils avaient quand même crée des écoles secondaires. En 1933, ils envoyèrent 6 garçons à Luabo –près de Kamina) et 20 autres à Sandoa pour les études d’instituteur. Mais l’on se rend bien vite compte, que comme tel, il y avait-là une brèche que rien ne peut combler. Le sable ne suffit pas là où il faut du ciment : les missionnaires ont laissé Kapanga longtemps dans un vide intellectuel déplorable.



4.2. NAISSANCE DE L’EGLISE CATHOLIQUE A MUSUMBA.

L’Eglise des Pères ne pouvait se résigner au ghetto que lui imposaient les contingences historiques. L’élan missionnaire devait pousser les hommes en soutanes à aller là où les méthodistes régnaient en maitres. Dès 1930, ils débarquent à Musumba, où fourmillaient plusieurs âmes à convertie. Ils créèrent un modeste endroit de prière et une école entre la résidence de l’Empereur et le marché actuel.

Heureuse conversion…

L’installation catholique ne se fit pas sans heurts. Les méthodistes ne tolèrent pas l’empiètement des catholiques dans leur fief. La guerre était donc déclarée. Pendant des années, les deux confessions vont coexister en véritables ennemies. Les conflits se manifestaient surtout au niveau des enfants à l’école, des batailles avaient souvent éclaté sur la Grand’ Place, dans le rue, au marché ou au moment des spectacles culturels. Pour se taquiner mutuellement, les enfants de l’école catholique exécutaient souvent ce chant de guerre : « Ansand, ansand a ku Mwimpel, Mishon, mikwan ya anzol », ce qui veut dire : la véritable jeunesse est catholique, les méthodistes ne sont que des pattes des poules. Les enfants de l’école méthodiste ripostaient par leur fameuse mélodie de : « Mwimpel kuyindam, amosh kal nfand ku wedj… » Répétée plusieurs fois, cette mélopée est une satire pour se moquer des Pères qui trimbalent une longue barbe. Littéralement : « O ! Malheureux Père qui vient de bruler sa barbe à une cartouche. »

Les Pères prêchent à leur enfants que « lire les brochures ou autres livres des « séparés » (protestants) est un péché : « Kutang mikand ya in kwaurik, ni kov mazu makatau kujilej, chid chitil » cette intolérance mutuelle à Musumba va se perpétuer d’année en année comme nous allons le voir. Le catholicisme a eu une tâche ardue pour se tailler une place au soleil de Musumba.

L’heureux événement qui permit à l’Eglise de Rome de ne pas etre étouffée dans l’œuf par les américains méthodistes fut la conversion d’une grande notabilité de l’Empire Lunda en la personne de Maku RUKONKISH KAT Elisabeth, la sœur ainée de Mwant Yav. Elle fut baptisée le 19 aout 1933, par le Père Evrard. Elle est inscrite dans le Registre des Baptêmes de la mission Ntita sous le numéro 436.

Ce baptême trouva un grand retentissement parmi la population de Musumba qui venait d’obtenir un soutient rassurant dans sa foi. Et même au Palais de l »Empereur l’événement fut de taille. L remarquable néophyte fut abondamment ovationnée et transportée dans le chipoy, pendant que son frère, le Mwant Yav venait à sa rencontre en grande pompe.

Selon les missionnaires, la profession de foi de la Rukonkish était considérée comme la reconnaissance officielle du catholicisme à Musumba. Maku Rukonkish Elisabeth se rendait à la grande mission de Ntit deux fois par semaine ainsi que chaque dimanche avec sa suite pour accomplir son devoir de piété. Auprès du Mwant Yav, elle pesa de tout son poids pour protéger l’Eglise catholique et lui donner droit de cité.

Par un acte de reconnaissance, l’Eglise de Musumba, construite en 1937, fut dédiée à Sainte Elisabeth, le prénom chrétien que portait la Princesse. A sa mort, la dépouille mortelle de cette dame fut enterrée pieusement au cimetière chrétien de Ntit, contrairement à la coutume ancestrale qui veut que les notabilités du pouvoir impérial fussent enterrées à leur cimetière propre situé à l’entrée de la capitale de l’Empire. Les conséquences immédiates de cette heureuse conversion furent, entre autres celles-ci :

1° Les Pères pouvaient venir officiellement à Musumba

2° La cession, à la mission catholique par le Mwant Yav d’un terrain de 80 mètres sur 80 au coin ouest du Forum Sacrum, la Grand’ Place. Dans le camp méthodiste, c’était la rage au cœur.

4.3 LES ANNEES NOIRES : DE 1933 à 1935

A partir de 1933, nous pouvons dire que l’Eglise Catholique avait réussi à prendre racine dans le sol des aruund à Kapanga. On compte déjà 500 chrétiens, 750 catéchumènes et 4.000 sympathisants. Mais bientôt, la nouvelle chrétienté sera assaillie par d’innombrables difficultés et malheurs.

Il fallait poursuivre les constructions à Ntit, à Musumba et dans certains villages. Cependant le doute vint s’installer quant à l’achèvement de ces œuvres : où trouver continuellement des bienfaiteurs ? Bien sur, Monsieur VERRIJKEN n’arrêta point de se montrer généreux jusqu’au bout. Au moment où l’avenir des constructions paraissait compromis, notre bienfaiteur de Malines daigna envoyer 1.000 Frs, puis 400 Frs et même 10.000 Frs, des sommes qui, à leur époque, valaient leur pesant d’or. Willy, le chroniqueur, fait remarquer qu’on mentionna un Deo gratias (un merci) à ce sujet.

Après avoir planté des arbres dans la mission et les alentours en décembre 1933, on commença la construction du presbytère en 1934 sous la direction du frère Trudo. On fit aussi une briqueterie, une tuilerie et un moulin d’argile.

Mais la même année, un feu de brousse atteignit la mission et la ravagea de ses flammes. Les malheurs vont dès lors, continuer à s’abattre sur la mission : le 24 octobre 1934, la menuiserie de Ntit s’écroula sous le coup d’un ouragan très violent ; le 30 octobre de la même année la chapelle de Musumba est emportée aussi par la tempête. Le personnel missionnaire se faisait rare pour Kapanga, car les Franciscains pensaient en fait à abandonner progressivement leur engagement pour Kapanga, ce coin très éloigné de la Préfecture, afin d’étoffer le personnel de Dilolo, Sandoa et Kanzenze.

En 1935, le Père Amans échappa à une noyade et trois ans plus tard, tombé malade, il se retira à Sandoa d’abord, puis en Europe. Il y avait de moins en moins d’enthousiasme. On ne pouvait pas encore compter, avec une assurance pleine, sur les catéchistes locaux dont les quelques miettes de connaissance en matière religieuse ne pouvaient qu’être employées avec réserve.

Heureusement, Monseigneur STAPPERS exprima quand même le souhait d’avoir à Kapanga une école de formation des catéchistes. En 1935, il y eut des pourparlers à ce sujet, et en octobre de la même année on ouvrit les portes de la dite école avec 15 hommes. Malgré cette petite lueur d’espoir, du coté des constructions à Musumba tout comme à Ntit, c’est la débâcle, plusieurs projets furent ajournés : le financement de Monsieur VERRIJKEN seul ne pouvait suffire.

La vie chrétienne en général se trouva au ralenti et incertaine. Les missionnaires sont scandalisés d’une part par le nombre des divorces entre chrétiens mariés religieusement et d’autre part par le retour facile de ces mêmes chrétiens à la divination (kupong) et la magie : bon nombre des fidèles voulaient se contenter d’un syncrétisme qui les retenait à la lisière entre le paganisme et le christianisme. Certaines personnes abandonnèrent carrément le chemin dur des « Amwimpel » (des Pères). La mission n’a même pas encore dix ans, déjà le dégout veillait quelque part dans les cœurs des uns et des autres.

Malgré toutes ces difficultés, on se remit à planifier. La force de la volonté missionnaire ne fut pas terrassée, l’Esprit de Dieu continua à souffler sur Kapanga. Avec la création de l’école des catéchistes, on pouvait etre relancé. Les missionnaires ont compris les paroles du Pape Pie XI qui disait dans son encyclique Rerum Ecclesiae qu’il fallait occuper instamment les territoires des missions en partant du principe : « Une poignée des missionnaires appuyée sur une armée des catéchistes ». Ce sont les catéchistes qui seront appelés, dans leurs villages, à devenir les modèles de vie chrétienne. Parmi les premiers catéchistes de Kapanga, il convient de citer : Albert Kalamb, Albert Mulaj et François Mayemb. Albert Kalamb a spécialement travaillé dans le circuit de la Nkalany avec le Père Kawel Adhémar dont nous allons parler au point suivant. Nous avons à son sujet recueilli le témoignage oral de Monsieur Rumbu Koj qui l’a connu : « Ce catéchiste fut un brave homme. Il était très célèbre, aimé et applaudi par la population à tel point qu’il a joui lui aussi, à certains moments du privilège d’être transporté sur le chipoy, simplement par amour et reconnaissance ».

C’est en 1937 que le Frère TRUDO termine finalement la construction de la grande église de Ntita-Christ-Roi. En 1939, sous la supervision du même Frère TRUDO et de Frère ARNOLD, le presbytère est aussi entièrement construit.

A Musumba, après avoir repris les travaux arrêtés, le Frère TRUDO achève de construire aussi l’église Sainte Elisabeth de 38 sur 8 mètres. Construite au coté ouest de la Grand’ Place, cette église était provisoirement recouverte de paille.

L’on s’occupa aussi à bâtir la maison d’habitation des Pères dont le toit fut joliment habillé en tuiles. Plus tard le Père Godard couvrira aussi l’église de ce précieux matériau. Forts de ces atouts des constructions, les missionnaires pouvaient enfin espérer poursuivre l’évangélisation en profondeur. Des villages naquirent autour de la mission. Lors de grandes fêtes baptismales, spécialement à Pâques, des foules arrivaient à la mission venant des différents villages : les drapeaux de joie flottaient en l’air. Chaque église avait ses drapeaux. Après les baptêmes, il y avait un « agapè », le repas fraternel où l’on partageait le bœuf pascal. A la fin de tout, chacun pouvait rentrer heureux dans son village en attendant la prochaine Pâques.

Ces fêtes pascales, raconte un ancien missionnaire, étaient inoubliables. Il écrit avec humour ce double regret du vieux beau temps en ces termes :

« O ! Ce beau vieux temps, disent les indigènes, pensant au bœuf consommé.

O ! Ce beau vieux temps, disent les missionnaires, pensant à ces masses des baptisés qui venaient par colonnes à la mission et connaissaient par cœur leur catéchisme ».

4.3. LE PERE ADHEMAR DE PAW ALIAS KAWEL

LE Seigneur m’adressa la parole et me dit : « … Lève-toi… ». Ainsi sont choisis les prophètes dans l’Ancienne Alliance. Le Père Adhémar semble être passé par ce schéma classique de la vocation des prophètes lorsqu’il fut appelé à aller en terre de Mission de Kapanga. Il y débarqua en l’an 1935, aux temps difficiles de cette mission. C’est le Père Adhémar qui, dans sa fougue de prophète, va pratiquement jeter l’ancre du christianisme catholique, de façon définitive à Kapanga.

Infatigable voyageur, il avait une autorité de fauve, une force de Samson mais aussi la sagesse de Salomon. Rien que sa présence physique vous dictait de vous mettre dans la droiture. Il avait commencé par détruire tous les maléfices des gris-gris, des amulettes, des instruments de divination (Yipong), des marmites des fétiches, le chipaz… Bien plus encore, il s’attela, sur son passage, au renversement des objets même, apparemment, servant au divertissement culturel tels les tam-tams, les grelots…

Cette « tabula rasa » visait à faire sortir une fois pour toutes le néophyte lunda de sa mentalité fétichiste, de traverser d’un pas décisif la Mer Rouge et de ne pas regretter les marmites des viandes d’Egypte.

L’intransigeance de Père Adhémar fut en partie récompensée. Le catholicisme gagna vite du terrain : beaucoup de personnes comprirent qu’une nouvelle société était en train de naitre autour de la mission catholique ; les avantages matériels en étaient le signe évident : école, dispensaire, habits, sel…, tout cela allait de pair avec l’évangélisation et la fermeté dans la foi. Beaucoup finirent aussi effectivement par comprendre que les sortilèges ancestraux sont incompatibles avec la confiance en Dieu. La forte personnalité de Père Adhémar s’affirmait aussi devant les autorités administratives à qui il n’accordait aucune concession : les agents coloniaux ne devaient surtout pas maltraiter la population indigène, sous quelque forme que ce soit. Le Père était le défenseur de ses fidèles face aux vexations de certains blancs imbus souvent des préjugés racistes.

C. BRAECMAN dans son ouvrage ci-haut cité fait remarquer ces préjugés interminables de ses compatriotes belges qui pensent que les noirs sont de grands enfants auxquels il faut tout apprendre (p.119).

Un conflit opposa, en ce temps-là, le Père Adhémar, missionnaire ; à Monsieur Germain, agent de l’administration coloniale. Et pour quelles raisons ? Il n’y en avait pas qu’une. C’est toute une accumulation des faits divers.

Par exemple en 1937, le Père construisait à Ntembo (ex-Ntemb-mankur) l’église en matériaux durable et aussi quelques classes. C’était un des principaux centres importants de l’époque à Kapanga. En 1938, on envoya l’ordre de tracer la route nationale DILOLO-LULUABOURG. Celle-ci passerait par Musumba et Ntembo, direction Mwene-Ditu. Monsieur Germain, chargé de l’exécution de ce projet, imposa tout de suite qu’on déplaça le village Ntembo vers son « autoroute ». Tant pis pour les Pères et leurs belles constructions d’église et école. La rage s’empara du Père KAWEL, qui, malheureusement ne pouvait rien y changer.

Un bon jour, le catéchiste Albert MULAJ de Ntembo se conduisit, dit-on, impoliment envers le fonctionnaire de l’Etat, Monsieur Germain. Convoqué par l’officier de Police à Sandoa aux bureaux du territoire dont Kapanga dépendait, il est mis au cachot. Puis il est jugé sur des faits anodins tels que : mauvaise présentation et préparation des aliments (ruku ou bukari), sur le travail obligatoire, le dimanche. Père Kawel respire de plus en plus vite dans sa poitrine de fauve. Puis… Un certain MWINKEU Wenceslas (devenu plus tard Chef Mutiy) est licencié, accusé de vol. Ses collègues greffiers catholiques affirment que Monsieur Germain aurait, lui-même, subtilisé cette somme d’argent.

Quand il y a feu de brousse, les catholiques sont punis par M. Germain.

Quelques temps plus tard, le Père s’étonne que le Mwant Yav ne le visite plus. Selon la Rukonkish, selon aussi Mwinkeu Wenceslas et le catéchiste Mayemb François, il a eu de la part de M. Germain l’interdiction de frayer avec la mission catholique. Quand un jour le Mwant Yav entra quand même en contact avec les Pères, Monsieur Germain l’injuria de n’être qu’un vulgaire nègre.

La température montait de plus en plus. Mr Germain continue à exacerber le Père Adhémar KAWEL à qui il reprochait encore de ne pas assez combattre la secte de UKANG, (secte qui refusait de payer l’impôt à l’Etat) ou encore que le Père ne résidant longtemps à Samukaz il prenait aux gens tout leur temps qui ne se consacraient plus à la culture de coton ou n’entretenaient plus les routes. Le conflit prenait donc des proportions démesurées.

Le 28 janvier 1939, Monseigneur reçoit une lettre dans laquelle on l’informe qu’une perquisition serait organisée à la mission des Pères à Kapanga. Monsieur TIENPONT, juge à Jadotville (Likasi) était chargé d’exécuter cette perquisition à domicile. On trouva 36,5 paquets de poudre. Le Père détenait ce produit en prévision de la chasse prochaine en faveur des élèves internes ; mais il fut déclaré hors-la-loi. De toutes ces frictions, l’on sait que le 28 octobre 1939, on organisait enfin la fête d’adieu de Monsieur Germain. Chez les Pères, on poussait un soupir de soulagement. Le Père Commissaire voulut aussi muter le Père KAWEL, non pas pour le punir, déclarait-il ! Le Père concerné refusa d’obtempérer, appuyé par le Père Pascal qui plierait aussi bagage de lui-même si on tenait à cette mutation qui ferait perdre la face des Pères dans la chrétienté naissante de Kapanga.

Le Père KAWEL n’avait pas de démêlés seulement avec l’Etat, la mission méthodiste en avait aussi pour son compte : l’ouvrage NGAND YETU rédigé par les méthodistes raconte :

« Plus tard arriva un Père dont le nom était KAWEL. Ce Père était très sévère. En ce temps-là, on a commencé à détourner les âmes des fidèles méthodistes en propageant qu’appartenir à l’Eglise Catholique, c’est s’assurer un avenir meilleur. Alors une vague d’enfants des notables ont déserté l’Eglise Méthodiste et son école ». Notre auteur poursuit son récit sur le Père KAWEL en disant : « Ce Père a fortement secoué nos églises méthodistes. Il a eu beaucoup de litiges avec nos enseignants. Il a fallu l’intervention d’un juriste venant de Likasi pour que soit tranché le différend qui opposait les catholiques aux protestants. »

C’est dans ce même contexte de conflit d’églises que Monsieur John E. BRASTRUP rédigea cette lettre en lunda au Mwant Yav : « Mwant, vous disiez que quand un garçon est inscrit chez les catholiques, il ne pourra plus, par après être accepté chez les méthodistes et vice-versa. Et maintenant tu envoies quelques-uns de tes propres enfants à l’école catholique, alors que tu nous avais promis de ne les envoyer que chez nous ! ».

Ces conflits des clochers seront interminables !

Le Père l’a reçu en héritage et en mémoire d’un chef lunda, le Chef MUTIY KAWEL, Général de guerre contre les chokwe du temps de Mwant Yav MUSHID I en 1900. Le Chef MUTIY se révéla alors comme un vaillant combattant, autoritaire et sévère. L’on comprend alors l’héritage du Père.

4.4. LES AUTRES PERES DE 1937 A 1955.

A Côté  de Père Adhémar KAWEL, on trouve à la mission catholique, le Père Pascal CEUTERICK, le Père TITUS, le Père TIBALD, et le Père SIDON.

Certains, parmi ces prêtres, vécurent plus longtemps à Kapanga et exercèrent une plus grande influence que d’autres. Le grand événement de l’année 1938 fut la construction d’un dispensaire à Ntita. Père Willy SMEETS nous livre l’information selon laquelle MWANT YAV KAUMB, l’Empereur de cette époque aurait fait une contribution pour cette œuvre, en offrant une somme de 10.000 frs.

KAUMB fut un grand Empereur qui régna de 1920 à 1951. Il a réellement veillé sur le bonheur de son peuple et il fut apprécié. De lui, on dit qu’il était le Chilil anshon, adinga ni ushon asangar ; ni adinga ni musangar asangar kand. Ce qui veut dire : le Consolateur des orphelins qui rend heureux les affligés et davantage plus heureux ceux qui l’étaient déjà. La construction du dispensaire révéla l’impérieuse nécessité de la présence des sœurs à Kapanga. La promesse fut faite de l’arrivée prochaine des sœurs franciscaines.

La mission signifiait aussi une certaine autosuffisance en ce qui concernait les besoins élémentaires : il fallait pratiquer l’élevage, cultiver son jardin…

L’Europe constituait, bien sûr, le grenier vital pour soutenir substantiellement l’œuvre des prêtres en pays de mission. Or, en 1939, l’Europe entra en guerre. La métropole est en feu d’un bout à l’autre du continent. On ne pouvait rien espérer en provenance de l’Europe : Les robinets avaient tari et pourtant il fallait continuer à vivre. On commença à envisager des solutions locales. A grande échelle, la famille franciscaine de Lulua-Kamina créa MPALA, une grande ferme qu’ils commencèrent à exploiter à une cinquantaine de kilomètres de Kolwezi. Elle devait être en mesure de fournir des produits à consommer, mais aussi à écouler pour faire quelques entrées d’argent.

Le résultat fut prodigieux, la ferme de Mpala devint une entreprise importante d’élevage, d’agriculture, et de menuiserie. « Pour mon peuple, abondance de bien, dit le Seigneur » Et on endura pas famine.

A Kapanga, dès 1937, le Frère TRUDO avait fait venir de Sandoa 27 vaches pour la mission. Le 27 avril 1938, la première vache à mettre bas donna un rejeton male. Et à tout Seigneur, tout honneur, ce futur taureau est nommé Kawel. Ce troupeau va prospérer jusqu’en 1955, date à laquelle la plus grande partie du troupeau sera reconduite à Sandoa. A Ntita, il ne restera plus que 25 têtes.

Le 27 Février 1939, la mission eut la joie d’acheter une camionnette de marque CHEVROLET. L’année suivante, on demanda à l’administration d’importer dix ânes dont trois males et sept femelles.

4.4.1. LE PERE PASCAL CEUTERICK

Selon le Père Marcel VAN IN que nous avons rencontré le 03 et 04 Novembre 1991 à Dilolo-Poste lors d’un voyage que nous avons effectué expressément pour conférer avec lui, le Père Pascal fut un homme de caractère très doux. L’on peut même dire, poursuit-il, qu’il était  bonasse. Souvent il se laissait rouler par les instituteurs dans les affaires. Il était un homme de paix, évitant toute forme de palabre avec les gens.

4.4.2. LE PERE TITUS VAN RUYTEGEM

Il fut celui qu’on peut appeler, « le médecin malgré lui ». Nous savons qu’en 1938, on construisit un petit dispensaire dont le Père Titus fut le superviseur des travaux. Face aux demandes pressantes des indigents malades pour les soins médicaux, le Père-Macon n’hésita point à faire le bond dans le domaine médical, il se fit Père-Médecin après avoir terminé la supervision des travaux des constructions. Avait-il quelques connaissances dans le domaine ?

Oui, quelques bribes de la médecine des maladies tropicales que tout missionnaire devait connaître avant de s’embarquer pour le Congo. De fait, à l’époque, les missionnaires étaient des hommes à tout faire : ils étaient prêtres, instituteurs, menuisiers, maçons, charpentier, infirmier.

Et dans ce dernier domaine, le Père Titus l’apprit à ses dépens. Notre narrateur du jour, le Père Marcel, ajoute que pour les cas difficiles Titus demandait conseil à Frère TRUDO, autrement, il confiait le malade à l’assistance spirituelle de Père Pascal pour l’extrême onction.

Les archives de la mission nous racontent que les conflits avec les méthodistes n’en étaient pas moins au calendrier de Père Titus. De l’intolérance on en arrivait facilement à l’antagonisme qui se muait parfois en combats.

Car il fallait bien se battre comme si les uns conquéraient les âmes pour le Royaume de Dieu méthodiste et les autres pour le Royaume de Dieu catholique. Ces fanatismes missionnaires se communiquaient facilement aux enseignants respectifs des deux confessions religieuses et à eux d’allumer le même zèle sacré dans les cœurs innocents des élèves leur confiés.

C’est finalement toute la population de Kapanga et toutes les couches qui se trouèrent divisées en deux camps. Par exemple, il y eut un incident à la léproserie de Kabaji, un village situé à dix kilomètres au Nord-est de Musumba. Cette œuvre crée par les méthodistes attirait tout naturellement la curiosité des autres occidentaux. C’est dans ce cadre qu’un jour, le Père Titus et un autre prêtre voulurent bien aller jeter un coup d’œil de ce coté-là. Etait-ce un coup d’œil innocent ?

On en doute, car il y avait bien là-bas un groupe remarquable des catholiques pieux, soucieux, disaient-ils d’avoir au moins une fois la sainte messe dans cette léproserie. Arrivés au dispensaire de Kabaji, ils furent accueillis par l’infirmier qui les invitait instamment d’entrer. Les Pères hésitèrent quelque peu, sachant qu’ils étaient sur un terrain de chasse-interdite. Tous les lépreux, confessions confondues, vinrent allègrement saluer les Pères catholiques. Les fidèles catholiques trouvèrent là une opportunité d’exposer alors leurs tourments : « Ils étaient obligés d’aller au culte protestant, les absences étaient sanctionnées d’une privation des soins médicaux. Il fallait que les Pères fassent quelque chose pour eux. »

Le lendemain, tous ces bruits parvinrent aux oreilles des Révérends Pasteurs méthodistes. Le Docteur PIPER écrivit aux missionnaires catholiques en un style concis et énergique des reproches. Le Père Titus répondit en essayant de s’expliquer. Mais le conflit devait aller jusqu’au bout, c’est-à-dire à l’expulsion de Kabaji de tous les malades catholiques. Quelques jours plus tard les refoulés arrivaient en groupe à la mission catholique. C’est ce qui motiva le Père Titus à créer une léproserie catholique : Le camp fut placé un peu en retrait, dans l’actuel village de Katamb. Cette œuvre n’eut le temps d’exister que dans l’intervalle d’une année : de 1939 à 1940.

Les autres Pères de cette époque sont : le Père WULFRAM GOVAERTS qui était routier, le Père CONSTANT, le Père Godard LEMMENS, le Père Marcel VAN IN.

L’histoire va se focaliser sur les deux derniers prêtres qui feront figure de grands pionniers.

4.4.3. LE PERE GODARD LEMMENS

Arrivé à Kapanga en 1940, il sera compté parmi les derniers prêtres de la génération franciscaine dans cette contrée.

Il est le fondateur de l’Ecole Centrale de Musumba aujourd’hui dénommée E.P MAYEMB-A-KASAJ. Il construisit dix locaux de classes, une salle de réunion, un réfectoire et une cuisine. Plus tard, l’école sera amputée de quelques locaux qui seront annexé au presbytère. Une muraille, aujourd’hui sépare les deux entités. Le Père Godard œuvrera à Musumba surtout où il s’occupait des 13 pauvres vieillards et où il avait organisé des cours du soir pour analphabètes. Un rapport signale aussi l’existence des scouts à Musumba. Existaient aussi, la Ligue du Sacré-Cœur des Familles Catholiques et la Croisade Eucharistique avec 80 membres.

4.4.4. LE PERE MARCEL VAN IN

Témoin des derniers événements de la génération franciscaine à Kapanga, le Père Marcel est l’un des rares missionnaires franciscains que Dieu a, jusqu’à ce jour, gardé en vie sur le sol de ce que fut la Préfecture de Lulua-Katanga-Central (Nous sommes en Novembre 1991, cfr supra).

Si les héros sont rares et qu’il ne soit donné à tout le monde de réaliser des actions sublimes, du moins, le Père Marcel a-t-il toujours placé devant lui un noble idéal, s’en est inspiré et c’set ce qui lui a permis jusqu’aujourd’hui d’accroitre son utilité missionnaire et sociale au milieu du peuple lunda et chokwe. S’il n’est pas un héros olympien, il est pour nous et pour sur, un véritable héraut de la parole de Dieu. Le Père, aujourd’hui, vit plus dans le passé qu’il aime à ressasser avec ferveur.

A Kapanga, pour le Père Marcel, tout a commencé en 1943… C’est comme hier, remarque notre interlocuteur. Le Père Marcel fut d’abord routier. Puis en 1945, il fut désigné Père Supérieur de la mission. Il exerça aussi la fonction de Directeur d’école. L’école de Père Marcel fut ce foyer rigoureux où devaient s’élaborer des destinées de tant de jeunes de Kapanga. Il avait, dit-il, environ 700 élèves repartis en deux groupes se relayant avant-midi et après-midi.

Il ne laissait rien passer de ce qui soit négligence, paresse, indiscipline ou autre forme de déficience à la norme catholique. Toute infraction devait être sanctionnée. Les élèves âgés étaient souvent la cible des mesures sévères. Ils n’avaient pas droit à trop se faire remarquer par des sottises. Ils étaient, alors, purement et simplement écartés. Ils pouvaient accompagner leurs parents aux champs.

A la mission, de même, le Père contrôlait tout. C’est pour cela, déclare-t-il, qu’il avait un commencement d’apostolat conflictuel avec la population de Kapanga qui supportait mal cette attention policière. Mais le Père, quand à lui, était persuadé qu’il était de sa mission de travailler dans la rigueur, d’inculquer à ces hommes et femmes le souci d’un travail toujours bien fait. Bref, il accomplissait en âme et conscience son travail d’éducateur et de pasteur. Dans sa mentalité ancrée dans le symbolisme, la population lunda le gratifia d’un nouveau nom à consonance locale : le Père devait donc désormais troquer son nom européen à celui de SAMUSENG.

L’AVENEMENT DE MWANT YAV DITEND…

Parmi les souvenirs qui reviennent à sa mémoire, le Père nous rappelle le beau jour de l’investiture de MWANT YAV DITEND. Pour venir en aide à cette mémoire surchargée par l’âge, nous vous relatons un rapport écrit, fait à ce sujet par Monsieur SOVET, alors administrateur de Kapanga. Ce rapport du 04 juillet 1952 est intitulé, Etat des nouvelles.

« Le dimanche 1er juin 1952, à Musumba WAUTHION, Gouverneur de la Province du Katanga remit solennellement la médaille de Chef au Chef MWANT YAV DITEND, successeur de MWANT YAV KAUMB, mort le 28 Mai 1951 vers 3h00 du matin. Etaient Présents à cette cérémonie :

Monsieur et Madame WAUTHION, Monsieur BUSSCHERE, Directeur Général de B.C.K (Société de Chemin de Fer), R.P. SYMPHORIEN, Pro Vicaire du Vicariat de la Lulua représentant de Monseigneur KEUPPENS, empêché ; R.P. MARCEL VAN IN, supérieur de la Mission Franciscaine, Révérend EVERETT, représentant de la mission méthodiste. Pour agrémenter la cérémonie, la Fanfare de l’UMHK (Union Minière du Haut Katanga) et un peloton de la Compagnie en S.T. de Kamina avaient prêté leur concours. A 14h00, le Gouverneur fit son entrée, salué par des salves de coups de fusils tirés par les indigènes échelonnés depuis l’entrée de Musumba jusqu’à la résidence de Mwant Yav. Dix minutes plus tard, pénètre dans l’enceinte le Mwant Yav. Le cortège se présentait de la manière suivante :

Les Kalal (Chefs de guerre) sont en tête, Chitazu, Kapang, puis les « Tubung ». Derrière eux, porté sur un pavois, le Mwant Yav, en grand costume d’apparat, est vraiment majestueux. Suit également, sur un pavois et non moins majestueuse, la Ruwej (Mère des lundas et épouse spirituelle du Mwant Yav). La cérémonie fut grandiose. Des cadeaux furent remis au Grand Chef : Le Gouverneur remit une carabine Mauser, et au grand enchantement de tous, le directeur de B.C.K offrit une élégante voiture au Grand chef ébahi.

Au nom des indigènes, Monsieur Tshombé Moise remercia le Gouverneur et tous les européens d’avoir rehaussé de leur présence cette cérémonie. Le Grand Chef remercia à son tour. »

Le Père Samuseng vivra encore de beaux moments dans cette sympathique mission de Ntita. Il y a laissé une partie de son cœur et ne regrette qu’une chose : « C’est que ce sont les salvatoriens qui l’ont fait partir de Kapanga et ce sera encore eux qui viendront sonner le glas de son départ de Sandoa ». Il ira œuvrer à Kisenge où il demeura jusqu’à la guerre du Shaba, appelée « Guerre de 80 jours » en 1977.

Le bassin de la Lulua est devenu sa seconde Patrie. Autant qu’il lui sera possible, dit-il, il préférerait demeurer en ces lieux jusqu’à son dernier soupir. C’est pourquoi il a choisi au soir de sa vie, de rester à Dilolo-Poste pour y écouler en toute quiétude des journées tropicales chargées des souvenirs d’un passé nostalgique et riche en couleurs. Esprit affiné et délicat, d’une culture intellectuelle remarquable, le Père, aujourd’hui n’a rien perdu de sa lucidité d’esprit. Partout, il est estimé, affectionné, respecté. Il suffit de l’approcher pour l’aimer…

En 1954, Monseigneur KEUPPENS annonce l’arrivée prochaine des Pères Salvatoriens. Le 19 Mars 1954, il écrit ce qui suit :

« La question des salvatoriens avance bien. Trois hollandais apprennent le français pour l’instant en France. De la part de leur Général, il n’y a pas d’opposition. »

Le 18 Janvier 1955, Monseigneur arrive à Kapanga avec le premier Salvatorien, le hollandais Frère HENRI VERKOOYEN, plein de vigueur et de jeunesse. On attendait incessamment l’arrivée des autres salvatoriens. En Mai 1955, le Père Marcel écrivait ceci à Monseigneur.

Voici plus ou moins les dispositions d’accueil des salvatoriens : Arrivée : 10h30, directement à la mission. Si c’est nécessaire, ils pourront se rafraichir et changer de soutane avant de passer à l’église (par la sacristie) où les nouveaux Pères célébreront le Te Deum et feront l’adoration au Saint Sacrement. Au retour à la mission, il est prévu un défilé des garçons et filles. Un mot de bienvenue sera dit par le Père Supérieur ; ensuite il y aura des chansons des garçons. Pour clôturer Monseigneur prononcera son discours en chokwe. C’est seulement après ces manifestations qu’il y aura le repas et une longue sieste. Nous projetons de faire encore quelque chose l’après-midi. Mais probablement, les Pères préféreront un repos. Et puis ils ne comprendront quand même rien du théâtre des noirs"

Le jour j fut le 13 juin 1955. Le Précurseur salvatorien, le Frère Henri, empoigna la moto de la mission et se rendit à Musumba-Kakese (actuel Masang-a-Mazez) pour accueillir les nouveaux Pères. Ces premiers nouveaux venus Salvatoriens furent : Père HERMAN Joseph, Supérieur ; Père VAN ERP Léonard et Père GUBBELS Jérôme.

Ayant accompli son devoir d’accueil, le Père Marcel VAN IN SAMUSENG pouvait enfin s’en aller, mettant un point final à la présence franciscaine des prêtres à Kapanga. La cérémonie des passations des clés eut lieu le 19 décembre 1955. « C’était un jour merveilleux, se rappelle le Père Marcel », son visage s’éclaire et il poursuit :

« En présence de Monseigneur KEUPPENS et du Père Commissaire, le Père Siméon, nous avons fêté notre départ de Kapanga. J’ai apprécié, les larmes aux yeux, le geste sympathique de MWANT YAV DITEND qui m’a mis sur la tête, une couronne symbolique en signe de reconnaissance. »

Voici, par ailleurs, le personnel européen des années 1940, repris par les chroniques : au Poste d’Etat, il y avait M. et Mme TOUSSAINT et leurs enfants. Puis viendra M. SOVET ; Mme et M. BELLE FLAMME et leurs deux enfants, M. et Mme CLEYS ; M. et Mme VERDONK ; M. MARCEL LEJEUNE, agent sanitaire ; M. VAN OOST, agent agricole ; au Bunge (Société Cotonnière), il y avait M. et Mme ERPE et leurs deux enfants et M. RODRIGUEZ ; les commerçants étaient M. et Mme HOLT ; JACKY et HELENE HOLT et M. MEIRA.

4.5. QUELQUES EVENEMENTS ET INFORMATION

A partir de 1938, des véhicules de la M.A.S (Messagerie Automobile du Sankuru) assurent les liaisons de Kapanga à Sandoa-Kasaji ; puis de Kapanga à Mwene-Ditu et Luluabourg. Tshombé était bien sur aussi impliqué dans le transport à Kapanga. Le réseau M.A.S. était très bien organisé et transportait aussi bien les personnes que les colis postaux. Les commandes faites à E’ville (Lubumbashi) passaient par Mwene-Ditu fut supprimé à cause d’un problème de pont.

Ecoles…

Un rapport indique qu’il a eu beaucoup de difficultés pour le fonctionnement des écoles : manque de matériel, manque de personnel, les bâtiments se sont trouvés en mauvais état. Quelques écoles seulement avaient le privilège de posséder des ardoises usées, tandis que la plupart des élèves écrivaient à même le sol. Les élèves préféraient la chasse aux souris au lieu d’aller à l’école. Les enseignants n’étaient pas à la hauteur de leurs taches. Il y avait six classes construites et un dortoir pour 200 garçons.

En 1950 : construction de trois classes à Musumba en poto-poto: il y a 300 élèves à Musumba. Il ne reste rien de ce bâtiment. Dans les archives, il y a plusieurs autres rapports de l’Inspection Scolaire entre autre ceux du Père Jean BOURGOGNON.

En 1953 : Construction définitive d’une école Centrale Catholique à Musumba (Cfr supra) On raconte que pour cette construction, il y avait 12 maçons pour 3 truelles seulement. Plus tard, Monseigneur fit parvenir d’autres truelles et du matériel de construction, à remettre après usage. Le 21 juin 1951 : on annonce des réussites du Petit Séminaire : Joseph YAVU, Michel NAWEJ (qui deviendra Vicaire Général de Kolwezi) et Gabriel KANYIMBU (sera Député de Kapanga). En Décembre de la même année, ils pouvaient continuer les études au Grand Séminaire de Kabwe au Kasaï. Le 26 juin 1951 : Le Père DOLILLO, de l’école agricole de Kasaji annonce une bonne nouvelle pour Kapanga : 4 ou 5 garçons peuvent venir à son école : « De préférence, mentionne-t-il, des gaillards pas trop intelligents, mais pas bêtes non plus ».

La mission…

Octobre 1941 : visite du Délégué Apostolique, Monseigneur DELEPIANE ; accompagné par Monseigneur STAPPERS.

1942 : Réparation de l’église Christ-Roi avec pavement en carreaux, autels et confessionnaux en pierres : tout cela aujourd’hui inexistant.

1943 : Celle qui succède à la RUKONKISH KAT, c’est RUKONKISH KAMAS, elle se convertit aussi au catholicisme.

1950 : La mission de Ntita est déclarée sale, pire que toutes les autres missions de la Lulua. Monseigneur STAPPERS envoie un chèque de 10.000 F pour réfection, espérant que le Père Commissaire contribuerait aussi.

31 juillet 1950 : Père Constant tombe du cheval. En route pour chercher le médecin, le Père WULFRAM heurte avec son véhicule contre un arbre.

Janvier 1951 : première visite inopinée du très cher Père Commissaire, Père Siméon. Une autre première visite, celle est de Monseigneur Victor KEUPPENS. On signale qu’il y eut un accueil formidable, malgré la tempête.

10 février 1952 : Le vélo de Père Marcel est volé. Tous les policiers cherchent en vain.

4 septembre 1952 : Forte tempête, un tas de tuiles de l’église sont cassées. La moitié du toit de la nouvelle maternité, non encore inaugurée, est emportée.

11 janvier 1953 : Bénédiction de la nouvelle maternité construite en dehors de la concession, condition exigée par le BUNGE pour l’octroi des subsides à cette institution.

CHAP 5 CONCLUSION DE LA MISSION FRANCISCAINE

Le grand mérite des franciscains de Kapanga est d’avoir ouvert les voies d’évangélisation et donc, d’avoir préparé le chemin aux successeurs salvatoriens et prêtres diocésains.

Qui pourrait imaginer les obstacles qu’ils ont rencontrés ! Intellectuellement, c’est à peine qu’on peut s’approcher de la rude réalité de leur expédition à travers nos savanes boisées. Eux seuls demeurent les témoins authentiques et privilégiés du calvaire enduré sur notre sol rouge. Considérons leur premier contact avec le terroir lunda : le climat, le paysage, tout était encore à l’état sauvage pour l’homme blanc. Considérons la difficulté de communiquer. Comment transmettre le message évangélique qu’ils portaient en eux ? Il fallait commencer, balbutier une langue totalement étrangère, et puis…
Progressivement saisir au vol quelques traitres syllabes… Le mystère s’est accompli : c’est en notre propre langue qu’ils ont évangélisé. L’incarnation de Jésus n’est un fait historiquement classé, elle est permanente. Il fallait connaître non seulement la langue, mais encore il fallait connaître l’HOMME lunda, ses origines, sa mentalité, sa spontanéité… Les apôtres de Saint François d’Assise ont travaillé humblement, se mettant obstinément à l’école de la vie en Afrique. Ils ont crée et nihilo nos missions, défiant fatigues et maladies tropicales, toujours poussés à découvrir le Congo dans ses coins et recoins. Ils ont rassemblé les gens autour de la mission : la population y trouvait non seulement l’évangile sans plus, mais aussi, le dispensaire, la maternité, l’école, le foyer d’alphabétisation, de tricotage etc…

La journée commençait par l’offrande de la journée qui pouvait être la sainte messe ou la prière du bréviaire. Et puis on passait aux divers travaux : on laboure, on racle, on bine, on surveille la croissance des bêtes… Ainsi dans la concession de la mission, les vaches beuglent les moutons et les chèvres gambadent allégrement, dans la porcherie, les cochons s’engraissent paisiblement. Le potager pouvait faire leur orgueil. On y trouvait les principaux légumes de leur chère Europe : choux pommés, choux-fleurs, tomates, petits pois, céleri, salade, persil haricot… Dans le verger les orangers, les mandariniers, les goyaviers ploient sous le poids de leurs fruits jaunes, les moerbes complétaient la gamme des fruitiers protégés par l’enclos. Tandis que les palmiers et les manguiers plantés le long d’allées et des chemins constituaient le décor familier d’une véritable mission catholique.

Les après-midi, il fallait donner les leçons de catéchisme, préparer au mariage, recevoir et écouter les gens, trancher leurs différends… Et le vendredi le Père Pascal n’oubliait pas de faire son chemin de la croix. A chaque soir, sous le rayon doré du soleil couchant, le Père Marcel s’abimait dans la méditation et la récitation pieuse de « l’ave Maria, gratia plena » dans un mouvement de va et vient régulièrement respecter, là sous la voute des manguiers ou des palmiers.

Cette vie active et disciplinée dans la mission catholique fit la renommée de l’église des « Pères » partout à Kapanga. Ils étaient plus proches des gens qu’ils poursuivaient jusque dans leurs cases enfumées. Les vieillards, les indigents de tout acabit se sentaient soutenus et protégés par la mission. La population lunda a vu, elle a cru en Dieu révélé par Jésus-Christ.

Souvenons-nous donc de ces Pères, car ce qu’ils ont fait, ils l’ont fait certainement par amour pour nous.

Corollaire…

Concrètement, lorsque les Pères salvatoriens arrivaient à Kapanga, qu’ont-ils hérité des franciscains ? C’est toute une vie. Nous ne saurons jamais être exhaustif. Les salvatoriens trouvèrent une chrétienté bien enracinée avec environ 7.000 chrétiens et 860 catéchumènes. Ils trouvèrent des écoles primaires à Ntita, à Musumba et dans plusieurs villages. Les franciscains ont légué le grand presbytère de Ntita et son église, des bâtiments à Musumba comprenant aussi une église, un presbytère, une école. Ce legs ne devint cependant pas une propriété privée des salvatoriens, la convention du 29 avril 1970 entre le Diocèse et la congrégation salvatorienne stipulera, en effet ce qui suit : « Les terrains de mission de Kapanga, Sandoa et Kalamba appartiennent au Diocèse et pas à la Congrégation. » (Voir archives de Ntita, Art. 25 ; § 1 et 2)

Voilà brièvement close l’époque de la branche masculine des franciscains.

A ces missionnaires à qui nous rendons un vibrant hommage, ajoutons-y tous ces autres européens d’heureuse mémoire : administratifs, commerçants, agents de la société cotonnière BUNGE. Que l’on soit pour ou contre la colonisation, on ne peut s’empêcher d’admirer le tour de force réussi par ces hommes à ouvrir la contrée oubliée de l’Empire de MWANT YAV à la civilisation occidentale. Nos « brousses » «étaient réputées être les tombeaux précoces des missionnaires. Plusieurs gisent sous la terre rouge à coté de l’église de KANZENZE : Père Evrard LAUWREYS, né le 11 novembre 1883, décédé le 18 novembre 1951 ; Frère GODEFRIED LAWREYS mort le 21 avril 1972 ; le salvatorien Léonard VAN ERP viendra les y rejoindre en juillet 1973.

Heureux êtes-vous, chers Pères… Vous avez fait l’histoire.
Alain Kalenda Ket

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