dimanche 30 mai 2010

LA RECHERCHE DE L’INFORMATION : UN RISQUE ET UN DANGER PERMANENTS

RESUME
Le journaliste a pour mission première, d’informer son public. Cette vocation le place souvent dans une position inconfortable face à la Justice. Cet article soulève quelques questions embarrassantes où journalistes et juristes n’accordent pas leurs violons.

1) Le journaliste a-t-il le droit de publier le nom de quelqu’un qui n’est encore qu’un prévenu ou de montrer son image à la télévision ?

2) Lui est-il permis de parler d’une affaire sous instruction préjuridictionnelle, tout en sachant que pour les magistrats, la procédure de l’enquête et de l’instruction préjuridictionnelle est secrète.

3) Le journaliste tient pour sacrée la protection de ses sources d’informations. Cela ne s’oppose-t-il pas à l’obligation de témoigner lorsqu’il est mis à la barre ?
Ce sont-là quelques questions qui menacent l’existence même du métier de journaliste. Que faire
INTRODUCTION

Journalistes et Juristes dans notre pays, tout comme partout ailleurs dans le monde, sont confrontés souvent à un certain nombre de questions qui rendent la cohabitation difficile.
Chercher l’information, pour le journaliste peut le mener tout droit en prison ou pire, lui coûter sa vie.
A la base de cette situation conflictuelle, nous dirons que les uns et les autres procèdent par des méthodes différentes pour arriver à leur vérité ; les uns et les autres poursuivent même des objectifs parfois divergents.
Pour rechercher la vérité dans une affaire pénale, les juristes analysent les faits, ils auditionnent et qualifient l’infraction au regard du Droit. Ils veillent rigoureusement à respecter les règles pour préserver les droits des personnes mises en cause et des victimes. Dans leurs enquêtes, ils travaillent dans le cadre du secret prévu par des textes. Leur objectif sera de constituer un dossier complet à charge ou décharge examiné plus tard lors d’un procès.

A l’inverse, les journalistes veulent savoir tout de suite, ils commentent l’affaire avant même quelle n’arrive à son dénouement. A leur façon, ils recherchent la transparence dans le suivi d’une affaire en livrant l’information régulièrement, mais une information quasiment morcelée. Leur objectif est une information toujours plus rapide, sensationnelle et actuelle. Les journalistes sont à la recherche effrénée du scoop (cf. Collectif, Médias. Introduction à la presse, la radio et la télévision, p. 139), c’est-à-dire, une information importante et exclusive trouvée avant les autres. Dans son article intitulé « Quels Contre-pouvoirs au Quatrième Pouvoir », Georges Kiejman, un proche de François Mitterand, cité dans l’ouvrage de Hunter à la page 108, déclare que « dans la presse moderne le seul critère de qualité d’un journaliste c’est sa rapidité, sa capacité à découvrir une nouvelle que les autres n’ont pas encore publiée et non pas de savoir si cette nouvelle est exacte. Le danger de la publication des fausses nouvelles est dès lors permanent. » Kiejman ne vantait pas par là les prouesses de la presse, au contraire, il se plaignait, car, il a réclamé, par la suite, sur base de cette analyse un programme sévère de poursuite des journalistes qui verseraient dans la diffamation.

Et pourtant, nous constatons que, non seulement journalistes et juristes sont nécessaires, mais qu’ils sont tous ensemble constitutifs de toute société moderne bien organisée.

Les magistrats et les juges ont le pouvoir de faire régner le droit, ils punissent les fautes qui mettraient en danger la société.

Les journalistes, quant à eux, se veulent être le chien de garde pour le public. Ils ne voudraient pas, pour cela, attendre l’audience pour que les entorses de la société soient évoquées ou rendues publiques. Ils privilégient une livraison libre et rapide de l’information.

Eu égards à toutes ces considérations, nous allons, dans cet article, soulever quelques questions qui enveniment les relations entre la Justice et les médias. Il s’agit notamment de :

1. L’image du prévenu et la présomption d’innocence de l’accusé

2. Le secret de l’instruction judiciaire et le droit d’information

3. La protection des sources du journaliste et l’obligation de témoigner

1. L’IMAGE DU PREVENU ET LA PRESOMPTION D’INNOCENCE

DE L’ACCUSE
Les journalistes doivent être en mesure de connaître le statut du justiciable à chaque niveau de la procédure pour éviter de tomber dans une infraction. L’ignorance en cette matière est à l’origine des déboires qu’ils connaissent face à la Justice.

Voyons donc d’abord les différentes appellations par lesquelles passe un justiciable.
Le Code de Procédure Pénale en ses articles 2, 4 et 6 nous donne les différentes appellations du justiciable qui doit passer par des étapes successives. Lorsque la Police judiciaire établit un procès verbal à la charge du justiciable, le terme légal à utiliser à son endroit est auteur présumé de l’infraction. Cela veut dire que l’infraction est encore au stade des suppositions. L’homme devant l’OPJ est simplement reconnu par supposition comme l’auteur de l’infraction, car rien n’est encore sûr. Le journaliste professionnel doit donc le traiter comme tel dans ses déclarations. Il devra faire attention dans la façon de livrer l’information sur ce cas.

L’article 45 du même Code Pénal dispose que le présumé qui comparait devant un magistrat instructeur et qui est interrogé, devient inculpé. Cette notion n’est pas très différente de la première dénomination. Elle signifie pratiquement la même chose et désigne la personne présumée coupable d’un délit. L’inculpation est prononcée lorsqu’il existe à l’encontre de la personne concernée des indices laissant présumer qu’elle a participé au délit.

L’inculpé s’appellera prévenu, d’après le même article 45 du Code Pénal, lorsqu’il se retrouve devant le tribunal compétent. A ce stade, nous dirons qu’il est accusé, mais il doit encore comparaître devant le tribunal qui est habilité à le condamner. En l’article 85, il est dit que le condamné c’est celui justement qui est frappé ou sanctionné par le tribunal. C’est à ce niveau que le journaliste est en droit de déclarer la culpabilité du justiciable.

Tous ces changements d’appellations sont donc porteurs de signification et confèrent au justiciable des droits dont le journaliste devra tenir compte.

La question de l’image du prévenu constitue un exemple patent de l’écueil que le journaliste doit éviter pour ne pas tomber dans le piège des juristes. Dans cette catégorie de prévenu, nous y incluons, bien sûr, l’auteur présumé de l’infraction et l’inculpé.

Dans beaucoup de cas, lorsque une personne est arrêtée, soupçonnée d’un délit et conduite au Parquet ou au tribunal, tout de suite les caméras de la presse accourent et elles sont braquées sur elle : l’image de l’auteur présumé de l’infraction est diffusée à la télévision.

Dans l’affaire récente des problèmes financiers survenus au Centre Universitaire de Kolwezi, (problèmes référés au Tribunal de Grande Instance de Kolwezi), le journal Mukuba qui parait à Lubumbashi, dans son édition n° 401 du 12 mars 2009, a publié en manchette ce grand titre : « Près de 100 000 dollars détournés à l’Extension Universitaire de Kolwezi : Le Directeur de l’Extension, le Professeur Ordinaire Dr Nduwa Solol incriminé » ; cet article a été rédigé par le journaliste de Kolwezi, Monsieur Bernard Mutonkole Kiyaboyabo.

Le grand public du Katanga a été ainsi alerté sur la personne citée à qui il peut attribuer tous les qualificatifs. Légalement la presse a-t-elle le droit d’exposer quelqu’un de cette façon ? Nous disons tout de suite non. Et cela en raison de la disposition légale de la présomption d’innocence. En effet, une fois que l’image du prévenu est publiée, ou lorsque le nom d’une personne est mentionné à la Une comme c’est le cas ici, pour le public la condamnation est établie. La représentation dans les médias des personnes menottées ou à qui on a ôté la chemise, selon les habitudes des OPJ Congolais ou autres agents de la Justice eux-mêmes, contribue à représenter les prévenus comme à priori coupables. N’est-ce pas là un assassinat d’une personnalité avant que le jugement soit rendu?

A Lubumbashi, on avait arrêté des personnes qui furent directement envoyées en prison sous les phares des caméras et tambours battants. Elles étaient accusées d’assassinat. Les recherches se poursuivant, les vrais coupables furent finalement appréhendés. Entre temps, l’honneur des premiers arrêtés avait été souillé. En effet, il est difficile de donner une information contraire à tous ceux qui auraient vu ces images-là des prétendus assassins. Tout comme, dans le cas du Centre Universitaire de Kolwezi, l’image du Direx (Directeur de l’Extension Universitaire) incriminé a été salie ; il n’y aura, certainement pas, un autre article qui rejoindra tous les lecteurs de l’article ci-haut cité. Certaines personnes garderont pour toujours l’image relayée dans cet article-là, que le Direx soit innocenté ou pas.

Dans tous les cas, les prévenus ont le droit de se retourner, à tout moment, contre le journaliste coupable de pareils agissements et l’accuser de « diffamation et d’imputations dommageables ».

Qu’est ce que la diffamation ? G. Mineur, dans son son ouvrage intitulé Commentaire sur le Code pénale Congolais et paru chez Larcier en 1933 à la page 176 nous en donne la définition : « Pour la presse, c’est le fait de mettre au compte d’une personne déterminée, vivante ou défunte, un fait précis, vrai ou faux, de nature à porter atteinte à l’honneur de cette personne ou à l’exposer au mépris du public ». Cette disposition légale est encore d’application aujourd’hui. Le Président de la Cour Suprême en 2004, Monsieur Nzangi Batutu cité par Mbuyi Kapuya Meleka, un Avocat au Barreau de Kinshasa-Gombe, dans son article « La problématique de la diffamation et des imputations dommageables publié dans un fascicule sur le code de déontologie des journalistes en RDC(Ed. Gret, Kinshasa, 2004, p. 26) note que la diffamation faite dans les médias est redoutable et est très préjudiciable aux droits d’autrui parce qu’elle expose la victime au mépris d’un large public.

Les éléments constitutifs de cette infraction sont donc :

• Un fait précis

• Vrai ou faux

• De nature à porter atteinte

• L’intention de nuire

• La publication dans un média.



2. LE SECRET DE L’INSTRUCTION JUDICIAIRE ET LE DROIT DU JOURNALISTE D’INFORMER
Le Code de la Procédure pénale de notre pays, dans ses dispositions complémentaires, Titre VII, Chapitre II, en son article 32 dispose ainsi : « La procédure de l’enquête et de l’instruction préjuridictionnelle est secrète ». Cette mesure a pour objectif, comme dans la première question soulevée, d’assurer le respect de la présomption d’innocence. Car, personne n’est assuré, à priori, de la culpabilité d’un auteur présumé délinquant.

Mais le secret de l’instruction a une autre finalité, celle de garantir la qualité de l’enquête. La recherche de la vérité requiert beaucoup de discrétion. Elle est importante aussi bien pour le demandeur que pour le défenseur. Or, si l’enquête est portée sur la place publique, certains témoins pourraient subir des pressions ; ou des coupables pourraient fuir. Ce qui entraverait la bonne marche d’une procédure judiciaire en cours. La Justice doit pouvoir être rendue sereinement, à l’abri de toute pression ou intervention extérieure. Et, la presse dans ce cas, peut être à la base de l’échec de la résolution de certaines affaires. C’est pourquoi le secret préjuridictionnel s’impose.

Ce qui est dit dans les lignes précédentes, s’entend bien pour les juristes. Les journalistes ont une autre logique, car leur premier devoir est d’informer et de toujours informer en temps réel. La loi n° 002-96 du 22 juin 1996 en son article 8 lui garantit la liberté et le droit d’informer.

Quel rôle peuvent jouer les journalistes dans le cas d’une affaire portée au tribunal ou se trouvant au niveau du parquet ? Encore une fois, revient ici la mission du journaliste en tant que chien de garde du public. Il peut dénoncer les dérives du pouvoir judiciaire. Par exemple, une personne peut avoir été arrêté injustement, la procédure traînant en longueur, cette personne va croupir dans la misère noire de la prison à l’abri de tout regard. La diffusion par les médias de ce cas, va attirer l’attention des groupes de pression pour sa libération. L’exemple le plus récent est celui du syndicaliste de la SNCC, retenu quelque part dans les geôles du gouvernement, attendant une hypothétique procédure judiciaire. Les médias continuent à dénoncer cette arrestation où on entrevoit pas encore un quelconque procès.

On peut envisager aussi l’illustration d’un fait authentique de ce Haut fonctionnaire de l’Etat remis à la Justice pour détournement des salaires des enseignants. Une certaine justice sans scrupule a voulu chercher à dissimuler ce forfait du grand patron par une mascarade de procédure judiciaire. La presse, se saisissant de l’affaire a contrecarré le projet sordide. Et l’enquête avait dû être menée avec un certain sérieux, et le public pouvait suivre l’évolution du dénouement du dossier en faveur des enseignants.

Le journaliste se moque donc parfois du secret d’enquête juridictionnelle en faisant grincer les dents des magistrats.

Et d’ailleurs, le Code judiciaire lui-même prévoit le cas où le Procureur de la République peut communiquer à la presse des éléments d’enquête tirés de la procédure ou de l’instruction. « Cela est faisable si l’opinion publique le réclame », confirme le même Code de Procédure Pénale, dans les dispositions complémentaires, Titre VII, Chapitre II, art 32, paragraphe 2. Mais qui crée l’opinion publique, si non les médias.

On devrait considérer que le principe du secret de l’enquête n’obligerait que les personnes qui concourent à cette procédure.

Le journaliste peut donc s’engager dans ses propres investigations et diffuser les informations à fur et à mesure qu’il les recueille.

Mais en est-il toujours ainsi ?

Nous dirons, simplement pour conclure, qu’il convient de rechercher l’équilibre entre la liberté d’information d’une part et l’intérêt pour le bon fonctionnement de la justice, d’autre part. En ce sens, le journaliste peut s’interdire la divulgation de certaines informations qui entrent dans la procédure judiciaire.

3. LA PROTECTION DES SOURCES DU JOURNALISTE ET L’OBLIGATION IMPOSEE PAR LE DROIT DE TEMOIGNER OU DE REVELER LA SOURCE D’INFORMATION.

Qu’est-ce qu’on entend par protection des sources d’information ? Le Dictionnaire des Médias (Bordas, Larousse, 1998) nous en donne une définition claire : « Il s’agit du droit qu’a le journaliste de garder le secret des sources de ses informations ». L’argument avancé pour que le journaliste puisse jouir de ce droit est que, sans cette garantie, nombre de sources d’information, par crainte de toutes sortes de représailles ou de conséquences pour elles, ne révélerait pas les faits dont elles ont connaissance et pourtant susceptibles d’intéresser la collectivité. Un adage en journalisme dit : « qui cite ses sources les tarit ».

La protection des sources est autrement appelée Secret professionnel des journalistes, dans le même Dictionnaire que nous venons de citer. Par ce secret les journalistes ont la possibilité, au nom du principe de liberté d’enquête et d’information, de ne pas être obligés d’apporter leur concours à la police et à la Justice à propos notamment de l’identité de la source de leur information ou des conditions dans lesquelles ils ont pu y accéder. Au nom de ce principe, les journalistes ne devraient pas normalement témoigner en justice.

En France, le droit au secret professionnel des journalistes a été reconnu par la loi du 04 janvier 1993. L’article 109 stipule : « Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine », nous dit toujours le Dictionnaire des Médias.

En République Démocratique du Congo, la législation de 1996 reconnaît en principe, au journaliste le droit de protéger ses sources. L’article 11 dit : « Le journaliste est libre d’accéder à toutes les sources d’information, il n’est pas tenu de divulguer ses sources, sauf dans le cas prévu par la loi ». La clause, « sauf dans le cas prévu par la loi », ouvre la loi à toutes les dérives des agents qui doivent dire le droit. Cela revient pratiquement à mettre une croix sur cette disposition légale de protection des sources au Congo ; car, les juristes se servent avant tout du Code pénal qui ne laisse pratiquement pas de chance au journaliste de se soustraire de l’obligation de témoigner.

La procédure pénale à l’article 19, en effet, dispose : « Le témoin qui, sans justifier d’un motif légitime d’excuse, ne comparait pas… ou qui refuse de prêter serment ou de déposer quand il en a l’obligation, peut, sans autre formalité, ni délai et sans appel, être condamné par l’officier du Ministère Public à une peine d’un mois de servitude au maximum et à une amende… »

Une fois encore, il y a là matière pour une confrontation entre les magistrats et les journalistes. Les magistrats congolais usant de leur pouvoir de coercition n’hésitent pas à mettre la main sur les hommes des médias à travers toute la République.

Le principe adopté par les journalistes Congolais, dans leur déontologie, (Cf. Code de déontologie des journalistes en RDC, art. 8 et art.16) sur la protection des sources relève donc du secret professionnel, comme il en existe dans beaucoup de métier. On reconnaît le secret bancaire, le secret d’Etat, le secret Défense, etc. Les jurés, par exemple, doivent conserver le secret des délibérations, selon le terme de la loi, de même tous les dépositaires d’informations confidentielles, les médecins, les avocats et autres auxiliaires de la justice et même les prêtres, sont tenus au secret professionnel. Pourquoi ne reconnaîtrait-on pas réellement le même droit aux journalistes ?

La protection des sources revêt pour le journaliste un caractère sacré. Dans la réalité, lorsque celui-ci garde silence sur ses sources, il est accusé de refuser de témoigner, ou encore, on le traitera de quelqu’un qui publie de fausses nouvelles en recourant à des sources anonymes, voire aux rumeurs, etc.

Le journalisme est un métier où l’on rencontre des pièges à tout bout de champ. Informer coûte cher, dans tous les sens.

Il est évident que parfois, le journaliste lui-même peut éviter ces démêlées avec la Justice en observant les dispositions légales. Mais, en d’autres circonstances, il n’y peut vraiment rien.

CONCLUSION
Plusieurs raisons sont à la base de la récurrence des conflits entre les journalistes et les hommes de Droit. Quelle solution proposée aux uns et aux autres ? Pour harmoniser un tant soit peu les relations et éviter les conflits inutiles, nous proposons les pistes suivantes :

• La nécessaire responsabilité du journaliste : les journalistes, en effet, tombent dans les erreurs ci-après qui les culpabilisent : manque de rigueur dans la vérification des faits ; confusion entre l’information objective et les démarches d’ordre émotionnel (prise de position partisane) ; dérives par la recherche du spectaculaire et des scoops ; publication hâtive des images et informations au sujet d’une personne présumée auteur de l’infraction et non encore condamnée ; mise en cause imprudente des personnalités à propos des faits divers etc. Face à tous ces dérapages, deux voies non exclusives s’offrent au journaliste : soit une autorégulation où le journaliste prend lui-même conscience de ses responsabilités devant la société humaine pour ne pas agir n’importe comment ; soit il est aidé par certaines mesures d’encadrement positif par la mise sur pied des institutions de régulation de la presse. Il s’agit notamment : - de la Haute Autorité des Médias (HAM), une institution d’appui à la démocratie qui prend désormais, selon l’actuelle Constitution, la dénomination de Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (art. 212) ; - de l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC) ; - de l’OMEC(Observatoire des Médias Congolais. A cela, il convient d’ajouter la déontologie journalistique, et la législation de presse, véritables balises pour les hommes des Médias
• Améliorer l’image de la Justice : Notre Justice au Congo est souvent décriée et son image s’en trouve écornée depuis des décennies. Le Professeur Marcel KABUNDI constate avec amertume, dans son article, « Crise de la Justice au Congo-Kinshasa » (In Revue Internationale de criminologie et de police technique scientifique, n° 4, p.446) que le contexte social et politique actuel au Congo « ne favorise nullement le respect de la primauté du Droit, laquelle a été remplacée, au fil des décennies par la primauté des hommes et des femmes au pouvoir ». D’aucuns réclament une réforme de fond en comble pour parvenir à un changement des mentalités des agents de la Justice. Ainsi, le journaliste pourra se voir, en ce qui le concerne, traité avec équité lorsqu’il doit comparaître pour des présumés délits de presse.
Les questions que nous avons soulevées dans cet article soulignent l’intérêt que les professionnels des médias que nous sommes, devaient accorder à la législation de presse.
Par ailleurs, elles mettent aussi en exergue le bénéfice pour le public de connaître ses droits face aux diktats des journalistes qui se comportent quelques fois, comme si ils étaient au dessus de la loi.

Les tensions entre Justice et Médias sont réelles, et les conflits existeront toujours. Journalistes et Juristes resteront souvent des frères ennemis. Cela constitue paradoxalement un avantage pour toute société humaine. Car il y aura alors entre les deux, une surveillance mutuelle. Ce qui fera nécessairement avancer la démocratie en République Démocratique du Congo.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

1. Code de déontologie des Journalistes en RDC,

Ed. Gret, Kinshasa, 2004

2. Code de Procédure Pénale, Kinshasa, sd.

3. COLLECTIF, Médias. Introduction à la Presse, la Radio

et la Télévision, Ellipses, Paris, 1999.
4. COLLECTIF, Dictionnaire des Médias, Bordas,

Larousse, 1998.

5. Constitution de la République Démocratique du Congo,

Ed. CEI, Kinshasa, 2006.

6. HUNTER M., Le journalisme d’investigation aux Etats-Unis

et en France, Paris, PUF,1997.

7. KALONGO MBIKAYI, Code Civil et commercial congolais,

Kinshasa, CRDJ, 1997.
8. Loi 96-002 du 22 juin 1996.

9. MINEUR, G., Commentaire du Code Pénal Congolais,

Larcier, 1933.

REVUES
1. KABUNDI, M., « Crise de la Justice au Congo-Kinshasa : Causes et remèdes », In Revue Internationale de criminologie et de police technique scientifique, n° 4, pp. 444-460.
2. MBUYI KAPUYA MELEKA, « La problématique de la diffamation et des imputations dommageables par voie de presse », in « Code de déontologie des journalistes en RDC », Ed. GRET, Kinshasa, 2004, pp.19-36.

JOURNAL
1. MUKUBA HEBDO, Edition n° 401 du 12 mars 2009, Lubumbashi. 

Assistant Alain Kalenda Ket M.

Centre Universitaire de Kolwezi



LES STRATEGIES DE COMMUNICATION POLITIQUE DE LAURENT DESIRE KABILA PAR ASSISTANT ALAIN KALENDA KET /CUK

Ce site permettra à tous les chercheurs du Centre Universitaire de Kolwezi de pouvoir publier leurs articles. Ainsi, ils pourront être lus à travers le monde entier.
J'ai moi-même l'opportunité de mettre sur la toile ces articles:

Introduction
Les hommes politiques usent-ils tous des stratégies de communication minutieusement étudiées ? Ou bien plutôt, la communication politique est-elle, une disposition innée ? Nous ne répondons pas tout de suite à cette question. Nous constatons, pour notre part, que les procédures de prise de parole des hommes politiques de grandes démocraties du monde ont été fortement renouvelées : Jacques Chirac, Nicolas Sarkhozy et aujourd’hui, plus près de nous, Barack Obama, ont tour à tour adopté des stratégies exceptionnelles, voire inédites, de communication politique pour se distinguer des autres intervenants. Rien ne se fait au hasard.

Mzee Laurent Désiré Kabila, à son époque, s’est fait remarquer aussi par sa manière d’organiser sa communication politique que nous inscrivons dans les canons reconnus scientifiquement par des chercheurs de renom dans ce domaine, tels que Paul LAZARSFELD, et P.F, BERELSON ou encore Rogers Everett M.

Il s’agit notamment de l’adoption d’une nouvelle rhétorique fondée sur la simplification du langage et sur l’émotion, du recours aux intermédiaires ou leaders d’opinion par lesquels le message de l’émetteur passe. Bref, Laurent Désiré Kabila a usé de ce qui est reconnu aujourd’hui comme étant du marketing politique, un mode de communication politique innovateur.

Qui est, du point de vue politique, Laurent Désiré Kabila ?



1. KABILA A LA CONQUETE DU POUVOIR : LA LUTTE ARMEE ET LES MEDIAS
Laurent Désiré KABILA, que les médias occidentaux qualifiaient de dictateur, reste pour beaucoup de congolais une personnalité fascinante : en peu de temps en effet, ce nationaliste a su marquer de son empreinte indélébile l’histoire du Congo.

En Octobre 1996, à l’Est du Zaïre (actuelle République Démocratique du Congo), des membres de la minorité TUTSI du Congo connus sous le nom de BANYAMULENGE, se rebellent contre le régime de MOBUTU, alors président du Zaïre. Laurent Désiré KABILA est mis à la tête de ce mouvement que d’aucuns qualifiaient de simple jacquerie. N’étant pas Tutsi, il réalise l’union entre ces rebelles et des opposants au régime du Maréchal MOBUTU au pouvoir depuis 1965. Il devient le leader de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre). Il va bénéficier du soutien du RWANDA, de l’OUGANDA, de l’ANGOLA, du BURUNDI et même de la ZAMBIE pour se mettre à la conquête du vaste Congo. Le 17 Mai 1997, ses troupes marchent sur Kinshasa la capitale. MOBUTU, vaincu, s’enfuit au Maroc où il mourra quelques mois plus trad. Rejetant le nom de « Zaïre », KABILA qui venait de s’autoproclamer Président de la République, la renomme : « République Démocratique du Congo », nom que le pays portait déjà avant le régime de MOBUTU.

Le règne de KABILA ne sera pas de tout repos : en effet, dès août 1998, il exige à ses anciens alliés Rwandais et Ougandais de repartir chez-eux. Ceux-ci refusent et créent de nouveaux opposants pour livrer la guerre, cette fois-ci à KABILA. Ils déclenchent la guerre dite « d’agression ». La guerre sera longue et multiforme. Car, commanditée par les occidentaux qui venaient de rejeter Kabila, la guerre ne se retrouvera pas seulement sur les champs de bataille, elle sera aussi économique et psychologique.

Finalement le 16 Janvier 2001, Laurent Désiré KABILA est assassiné à Kinshasa dans des circonstances non encore élucidées.

En voyant l’œuvre de Laurent Désiré Kabila en matière de communication, nous nous posons la question de connaître ses stratégies de communication qui l’ont conduit à rallier facilement à lui les populations congolaises.

Comme tous les hommes politiques, Laurent Désiré KABILA avait sa façon d’envisager sa communication politique. Ses objectifs consistaient notamment à essayer de convaincre ou de persuader le peuple congolais à opérer un changement radical de mentalité, en abandonnant l’esprit de lucre et la corruption Mobutienne. A cet effet, nous avons constaté que les médias ont été abondamment mis à contribution pour influencer les foules.

Gabriel TARDE, dans son ouvrage l’opinion et la foule expliquait que grâce aux médias, « les idées et les goûts se diffusent plus rapidement sur l’ensemble du territoire national » (Cf. Rémy Rieffel, Médias et vie politique in « Médias Introduction à la presse, la radio et la télévision », Eclipses, Paris, 1999, p.203). En disant cela, G. TARDE voulait souligner le rôle positif des médias et particulièrement de la presse écrite dans la constitution du débat démocratique.

L’arrivée au pouvoir en 1933 de Hitler en Allemagne va plutôt renforcer la vision pessimiste de l’influence des médias sur les individus. Toutes les ressources de la propagande seront mises au service des moyens de communication de masse, en particulier la radio. Le sociologue allemand, Serge Tchakhotine tire la sonnette d’alarme contre cette politique de Hitler par rapport aux médias en 1939 dans son ouvrage Le viol des foules par la propagande politique. Cet ouvrage sera aussitôt interdit par les nazis. Gustave le Bon, cité par Rémy Rieffel dans le même ouvrage, notait que la foule est par définition crédule et qu’elle a besoin d’un meneur pour la diriger (Ibidem, p. 204). Et le meneur qui utilise les médias peut, grâce à son pouvoir de fascination rendre les foules dociles et les manipuler à sa guise. C’est cet aspect-là négatif de la fonction des médias que nous venons de déplorer en parlant de Hitler.

S’agissant de Laurent Désiré KABILA, nous dirons qu’il s’est servi des médias pour essayer de transformer les consciences. C’est donc de façon positive qu’il les a utilisés : Il a été plutôt un meneur d’hommes intègre et honnête, se servant des médias non pas pour « rendre docile » mais pour enseigner et communiquer au public les vertus longtemps ignorées par les congolais.

Dans la vie politique de Laurent Désiré KABILA, les médias ont joué un rôle déterminant dans la constitution de l’opinion publique congolaise. L’opinion publique est, en effet, une valeur pour l’édification d’une nation. Le journaliste et Professeur KASONGO MWEMA, dans son cours « Sociologie des médias » dispensé à l’UNILU en 2005, note que l’opinion publique « est un groupe momentané et plus logique de jugement qui, répondant à des problèmes actuellement posés se trouve reproduit en nombreux exemplaires dans des personnes de même pays, de même temps et de même société ». Autrement dit, l’opinion publique est un phénomène positif. C’est la fusion d’opinions personnelles, locales et morcelées en opinions sociales et nationales.

C’est ce qu’atteste aussi Gabriel TARDE dans l’ouvrage ci-haut cité en distinguant l’opinion publique de la foule. La foule, dit-il, agit de manière désordonnée et impulsive, tandis que l’opinion est plus réfléchie et plus inventive.

Le charisme de Laurent Désiré KABILA en communication va donc s’employer à inventer de nouvelles voies vers la démocratie, vers le respect de l’homme congolais et sa moralisation. Etant donné que les médias tant congolais qu’internationaux étaient attirés par ce nouveau leader politique et que celui-ci les affectionnait, une communication de ses idéaux politiques devenait désormais possible et facile. Le site de digitalcongo.net/fullstory observe que CNN, la première chaîne mondiale, était allée jusqu’à consacrer à KABILA une heure de son émission spécialisée « INSIGHT » et que les producteurs de TED TURNER lui consacraient une moyenne variant entre 60 et 90 minutes d’informations et d’images par jour. Par ailleurs le nom de Laurent Désiré KABILA, avait inondé aussi les sites web.

Laurent Désiré KABILA qui avait su utiliser les médias, bien que mort, continue à être le mentor du peuple congolais. Notre tâche consistera à nommer et à analyser, à chaque fois, la technique de communication politique utilisée par Laurent Désiré Kabila, sans que lui-même ait pu la désigner ainsi. Nous nous limiterons, à trois stratégies de communication résumées dans ce qu’on appelle le « modèle marketing politique ». Il s’agit, d’une nouvelle forme de rhétorique, de la technique d’identification ou théorie d’adoption et de la technique de two steps (ou multi steps) flow of communication.

Selon l’encyclopédie de Wikipédia nous livré par Google, le marketing politique est « une variante de la « communication marketing » qui consiste à promouvoir un homme ou un projet politique sur le modèle des techniques de marketing commercial ». Il recours à des modes de communication proches de ceux de la publicité ainsi que des méthodes de persuasion souvent destinées à faire basculer les débats et influencer les foules. Le modèle marketing repose sur la bonne maîtrise des représentations. Cela veut dire que l’homme politique essaie de soigner son image, il essaie de la « vendre » au public de la meilleure façon possible.

2. Une nouvelle forme de rhétorique
La rhétorique du Modèle marketing est fondée sur la simplification et sur l’émotion.
Les discours classiques sont des chefs-d’œuvre savamment construits. Ils comportent de longues phrases périodiques à la manière de Cicéron. Aujourd’hui, Les grands orateurs classiques ont cédé la place à des techniciens de la parole calibrée qui utilisent des constructions simples. La parole calibrée est une arme qui ne revient pas sans avoir produit des effets.

A ce sujet Régis Debray dans son ouvrage « l’Etat réducteurs des révolutions médiologiques du pouvoir » paru à Paris chez Gallimard en 1993, à la page 127 dit : « L’important c’est le contact. La relation l’emporte sur le contenu et l’énonciation compte plus que l’énoncé ». L’orateur de la nouvelle rhétorique proscrit donc dans son langage des phrases alambiquées, c’est-à-dire, exagérément compliqué.

A son avènement Laurent Désiré KABILA s’est mis à utiliser des discours-formules ou des discours-slogans :

Pendant la guerre dite d’agression Rwando-Ougando, Burundaise, Laurent Désiré KABILA annonçait dans un discours cette formule restée fameuse : « la paix se gagne » ou encore « la guerre finira où elle a commencé »

Nous retenons aussi sa détermination de nationaliste qui se résume en ces mots très denses qui l’ont conduit jusqu’à la mort : « Ne jamais trahir le Congo ». Cette dernière formule qui résume pertinemment bien sa vie et son combat est aujourd’hui gravée sur sa tombe au Mausolée du Palais de la Nation à Kinshasa où L. D. KABILA repose pour l’éternité.

« Ne jamais trahir le Congo » pouvait signifier aussi bien un engagement à corps perdu dans la guerre contre le Rwanda que le refus, en économie, de signer des contrats léonins en faveur des occidentaux. Il s’agit aussi de la conscience aiguisée qu’avait L. D. KABILA pour ne pas se permettre de détourner les biens publics.

Toujours dans le cadre de ses discours-slogans, du point de vue de sa politique sociale, il conseillait par exemple au peuple congolais de « se prendre en charge » ou encore (et son timbre continue encore à résonner dans nos oreilles !), il recommandait au peuple congolais de ne pas attendre le secours des européens pour se développer par cette phrase-choc et historique de « organisez-vous ». Le service-National initié par lui a été accepté allégrement par les congolais dans cet esprit-là et grâce à cette stratégie de communication.

La nouvelle rhétorique de Laurent Désiré KABILA c’est aussi

• La redondance, c’est-à-dire le devoir d’intervenir plusieurs fois sur le même sujet, de répéter certains thèmes, etc.

• L’instantanéité et l’usage moqueur de jeu de mots: C’est la capacité qu’avait M’zée Laurent Désiré KABILA d’intervenir à chaud sans toujours disposer d’un recul suffisant. Par exemple, aux français qui voulaient faire passer l’idée que KABILA était voleur, Laurent Désiré KABILA répliqua par cette pirouette humoristique en jeu de mots : « Les Français sont des voleurs qui crient : Ô voleur !! »

• L’utilisation fréquente des métaphores : s’adressant aux KADOGO (ses jeunes soldats) il a dit : « Soyez parmi le peuple comme des poissons dans l’eau ». Dans une autre circonstance il déclarait : « Le Zaïre était un cadavre puant sur lequel des charognards du monde entier venaient se poser pour piquer leur part ».

On constatera, pour conclure ce point de la rhétorique kabiliste, que parfois les discours de cet homme politique semblaient ne répondre à aucun canon de grandiloquence. Et pourtant c’était-là la forme adéquate de communication politique, une forme moderne, prisée même par les grands politiciens occidentaux, mais encore ignorée par d’aucuns.

Jacques Chirac avait conçu sa campagne sur le principe de « modèle marketing » en lançant des phrases tells que : « Ensemble nous irons plus loin ».

Plusieurs autres politiciens, nous dit Rémy Rieffel (Médias, Introduction à la presse, la radio et la télévision, Ellipses, Paris, 1999, pp 207-208.), adoptent la nouvelle communication politique. Celle-ci d’ailleurs est très diversifiée dans ses formes.

Plus près de notre époque, nous évoquons la brillante campagne électorale de Barack OBAMA, l’actuel Président des Etats-Unis qui a remporté une écrasante victoire contre le Républicain Mc Cain. OBAMA a, en effet, usé de toutes les techniques publicitaires et du modèle marketing politique. Son « Yes, we can » est resté une référence de réussite politique. OBAMA qui inonde les sites Internet est présenté aujourd’hui comme le champion du Marketing politique. C’est l’homme affable, plaisant qui a martelé pendant toute sa campagne ce maitre-mot : changement. Et cela a suffit pour qu’enfin, un homme dit de couleur puisse passer Président de la plus grande puissance du monde.

3. LA TECHNIQUE D’IDENTIFICATION OU THEORIE D‘ADOPTION.
Nous recourrons à nouveau à Gabriel Tarde pour expliquer cette technique. Dans son ouvrage « Les lois de l’imitation », ce journaliste, sociologue et philosophe français du XIXe siècle, cité par Dominique Reynié explique que l’imitation était à « la base de nouvelles formes sociales » (Dominique Reynié, Gabriel Tarde, théoricien de l’opinion, introduction à la réédition de l’opinion et la foule ; Paris, PUF, 1989, pp.7-8). De même, pour sa part, Everett M. Rogers qui a publié un ouvrage important sur « La diffusion sociale des innovations » énonce que « …la diffusion d’un produit passe par quatre paliers, à savoir : l’information, la persuasion, la décision et la confirmation ». Il montre d’abord comment les médias livrent l’information en présentant l’objet à promouvoir (Dans le cas qui nous préoccupe, il s’agit de la diffusion de la mode vestimentaire et du style de vie de Laurent Désiré Kabila), les récepteurs du message (c’est-à-dire le peuple congolais) vont prendre conscience de l’existence de l’objet et l’adopter. (Cf. Rogers E. (1995), Diffusion of innovation, Free Press ; New-York, 4e Ed., )

Mais les destinataires peuvent aussi se tourner vers les relais ou leader d’opinion que nous allons étudier au point suivant pour se persuader du bienfondé d’adopter la mode. Par la répétition des messages ou leur accumulation, les médias provoqueront alors le changement de comportement.

Notons aussi surtout l’apport du célèbre psychanalyste SIGMUND FREUD en ce domaine de la technique d’identification. Présenté au Colloque organisé par le Centre de recherche SOPHIA POL en octobre 2004 : Freud avait écrit entre autre que « l’individu établit des rapports affectifs avec celui auquel il s’identifie, ce qui construit la vie en commun » (Google).

Appliquée à L. D. KABILA, cette théorie va consister en la transmission (en s’affichant souvent à la télévision) de la mode vestimentaire du feu Président au peuple congolais tout entier. Le peuple adoptera de lui non seulement sa présentation vestimentaire, mais aussi son look de tête rasée. Il a voulu par là, passer un message : son style vestimentaire si simple, se démarque nettement de « l’abacost » rigide de MOBUTU. L’abacost, ce costume de MOBUTU, était un habit pompeux qui a fini par symboliser l’orgueil, la surestimation de soi, mais aussi la corruption. Laurent Désiré KABILA introduit le « Safari », un ensemble simple de veste et de pantalon, à la manière de l’intègre et ancien Président de la Tanzanie, Julius Nyerere. Ce style est finalement passé aux agents d’administration du Gouvernement Kabila (les relais) qui adoptent « la mode de la libération » et de « l’intégrité ». A travers eux, c’est ensuite à toute la population qu’a été communiquée cette mode. Par ailleurs, un de ses proches Ministres, Monsieur Yerodia Dombasi se rendra populaire par le port des gilets. Ce qui ne laissera pas non plus une bonne partie des congolais qui adoptera cette autre simple manière de s’habiller sans s’affubler.

Le processus d’adoption et d’identification de la population à Mzee Laurent Kabila va s’étendre jusqu’à la coiffure : M’zée aimait à se présenter soit avec un grand chapeau sur la tête du genre « sombrero » (un chapeau à larges bords, porté surtout en Amérique Latine), soit alors la tête complètement rasée. Cette « double innovation » a tout de suite aussi été imitée par le peuple congolais tout entier. Il était de bon usage de paraître comme le Président congolais Laurent Désiré KABILA : à tout âge on était fier d’avoir sa tête bien rasée alors que, curieusement, quelques années auparavant, cette façon de se coiffer était réservée aux prisonniers, ou à ceux qui étaient endeuillés ou encore aux étudiants nouvellement inscrits à l’Université, les « bleus ». Il n’était pas donc, jadis, de bon aloi d’avoir une tête rasée. Laurent Kabila a rendu ce look acceptable et appréciable : Plusieurs notables de l’administration publique, des chefs coutumiers nostalgiques et des sages de la société arborent encore aujourd’hui, les larges chapeaux de M’zée KABILA. L’empathie du peuple congolais pour Laurent Désiré KABILA a été une réalité, à la manière d’un fils qui cherche en tout à s’identifier à son père.
4. LA TECHNIQUE DE TWO STEPS (MULTI STEPS) FLOW OF COMMUNICATION
C’est une théorie développée par Paul Lazarsfeld (avec Bernard Barelson et Hazel Gaudet) dans son ouvrage The people’s choice en 1944. (LAZARSFELD,P.F, BERELSON, B, et GAUDET H, (1944), The people’s choice, New York, Columbia University Press.)
Il s’agit d’une circulation de l’information en deux temps : Le message passe par des relais, des guides ou ceux qu’on appelle les leaders d’opinion. Ce sont eux qui vont ensuite transmettre ce qu’ils ont vu, lu, ou entendu aux membres du groupe social. Il faut pour cela que le leader d’opinion occupe une position sociale privilégiée ou stratégique et il doit être davantage exposé au message que les autres membres du groupe.

Ces leaders d’opinion qui doivent servir de relais entre émetteurs et récepteurs sont entre autres : les vedettes de musique ou de sport, les agents de l’administration territoriale, les enseignants, les prêtres, les pasteurs, etc.

Ces gens peuvent constituer un réseau d’influence plus complexe de sorte qu’on va parler finalement de « multi steps flow of communication. »

Le principe part du fait que les populations sont attentives aux avis des responsables d’associations et plus intéressées aux déclarations des vedettes, des pasteurs, etc. : elles sont disposées à accepter facilement ce qui est transmis par eux.

Selon WEIMANN, Gabriel (1994) « Is there a two steps flow of agenda setting? » in International journal of public opinion, V6, n°4, p, 323, le processus d’influence s’établit à deux niveaux : d’abord un courant vertical de l’émetteur vers le leader d’opinion, puis un courant horizontal allant de ces leaders vers le grand public.

Le processus de communication se présente alors de la façon suivante :
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Cette théorie comme, on le voit, démontre qu’il peut y avoir des limites réelles exercée par les classes gouvernantes sur l’ensemble de la société. Il faut recourrir aux leaders d’opinion.

Laurent Désiré KABILA avait compris cela. C’est ainsi, par exemple qu’il s’est appuyé sur le prestige de célèbres musiciens pour faire passer ses idées-forces et son action-politique qui pouvaient rester lettre-morte s’il devait s’atteler seul à convaincre. Ainsi, à la création du Franc Congolais, M’zée Laurent Désiré KABILA a emprunté aux vedettes de la musique congolaise leur talent pour chanter et annoncer l’arrivée de la nouvelle monnaie congolaise. Il est à noter qu’à l’arrivée de KABILA, le Zaïre-monnaie était divisé en plusieurs zones monétaires possédant chacune son propre taux de change : il y avait la zone monétaire du Katanga (le Katanga a connu un billet de 5 millions de zaïres !), la zone monétaire du Kasaï, la zone de Kinshasa et celle de l’Est du Zaïre. MOBUTU n’avait jamais réussi à réunifier ces zones de sa propre monnaie.

Laurent Désiré KABILA fit chanter des célèbres musiciens de la République Démocratique du Congo : Papa WEMBA, WENDO KOLOSOY, TSHALA MWANA, LOKUA KANZA, MBILIA BEL, ROCHEREAU etc., dans le célèbre titre « Mwana Pwo » ou « Franc Congolais » pour faire accepter une seule monnaie à toute la nation. Cela lui avait très bien réussi.

C’est la même stratégie qui a été adoptée par Laurent Désiré KABILA lorsque le Congo a été agressé en août 1998 par la coalition Rwando-Ougando-Burundaise :

Il demanda de nouveau aux meilleures stars de la musique congolaise, dont KABASSELE YA PANYA, de galvaniser la conscience du peuple congolais. Ils ont produit l’œuvre grandiose et mélancolique de « TOKUFA MPO NA CONGO » (Mourons pour le Congo ).

Bref Laurent Désiré KABILA a voulu créer une opinion collective appelée opinion publique dont nous avons parlé au début de cet article. On reconnait à Laurent Désiré KABILA d’être parvenu à recréer la conscience nationale des congolais. La revue chrétienne Renaître, d’ordinaire très critique envers Laurent Désiré KABILA reconnait, en son n° 16 du 31 août 2001 à la page 17 ce qui suit : « Comme côté positif du Président Kabila, il convient de signaler, l’éveil des consciences pour le patriotisme et le nationalisme, la tentative de formation et d’union d’une armée nationale… »

Ce sont les médias congolais (presse, radio et télévision) qui ont été des véritables facteurs catalyseurs de la politique nationaliste de Laurent Désiré Kabila. Les conversations et les idées positives qui circulent jusqu’aujourd’hui dans notre société au sujet de ce feu Président de la République Démocratique du Congo sont les reflets de l’admiration et de la reconnaissance que beaucoup lui témoignent encore
CONCLUSION
Les stratégies de la communication politique de Laurent Désiré KABILA ont été payantes. Il avait pris appui sur l’impact des médias spécialement de la télévision, au sein de la population. Ses paroles, ses attitudes et gestes, sa tenue vestimentaire ont été des vecteurs puissants capables d’amorcer une dynamique de changement positif de mentalité qu’il recherchait .

Toute communication étant une tentative d’influence, nous estimons que, sans nommer ce qu’il faisait, Laurent Désiré KABILA, avait la maîtrisé des stratégies de communication politiques telles qu’énoncées par les grands théoriciens de la Communication tels que Paul Lazarsfeld, Bernard Barelson, Hazel Gaudet, Everett M. Rogers, Gabriel TARDE, etc. Il a précédé Barack OBAMA dans la pratique du marketing politique. L’impact de son action politique inspirée par sa communication résiste encore à l’usure du temps.

Le modèle marketing présente donc un intérêt réel d’abord :

1) Pour les gouvernants d’aujourd’hui.

Savoir gouverner c’est désormais, non seulement délibérer, et enfin décider en fonction des facteurs politiques, économiques sociaux habituels, mais aussi avoir le souci de rendre visible au maximum son action par la communication, particulièrement par l’adoption d’une nouvelle rhétorique.
2) Pour les gouvernés

Un fort degré d’exposition aux médias favorise sans contexte l’exactitude de perception des prises de position de nos politiciens.

La nouvelle communication politique que nous appelons marketing politique permet donc d’identifier plus facilement les problèmes de l’heure et de débattre sur la place publique des solutions qu’il convient d’adopter.

BIBLIOGRAPHIE
Gabriel TARDE, l’opinion et la foule

Rémy Rieffel, Médias et vie politique

Collectif (1999) « Médias Introduction à la presse, la radio et la télévision », Eclipses, Paris,.

Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande politique

KASONGO MWEMA (2005), Cours de Sociologie des médias, l’UNILU, .

digitalcongo.net/fullstory

Régis Debray (1993), l’Etat réducteurs des révolutions médiologiques du pouvoir, Gallimard, Paris,.

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ILONGA Donatien (2001) « RDC, 41 ans d’indépendance », in Renaître, n° 16 du 31 août, pp.16-18.