vendredi 11 octobre 2013

LE CENTENAIRE DU TERRITOIRE DE DILOLO




Les sources qui nous ont permis d’écrire l’histoire du Territoire de Dilolo sont essentiellement constituées par des documents écrits par les anciens Administrateurs du Territoire de Dilolo et des Commissaires de District de Lulua (Actuel District du Lualaba). Il s’agit notamment des écrits :

- Du Commissaire de District de Lulua, Monsieur GOSME (1913)

- De L’Administrateur territorial FFONS : en 1913, il a écrit sur les Tshokwe et en 1916, sur les Luena.

- Du Commissaire de District de Lulua CAROL T. R.

- De L’Administrateur territorial Jean Galaud (Malonga, 1937)



De tas d’archives constitués des lettres administratives, des cartes très détaillées des territoires du Katanga et d’autres documents de grande valeur étaient conservés par les Pères Franciscains du Collège Bienheureux Jean XXIII. Ils ont tous été transférés en Europe à la fin du 20e siècle. Nous avons eu le privilège de les consulter à la Bibliothèque du Collège pour des recherches personnelles que nous menions à l’époque.



CREATION DUTERRITOIRE DE DILOLO

Par l’ordonnance d’administration Générale du 22 janvier 1914, on constitua en même temps que le District de Lulua, le Territoire de Dilolo ayant son Chef –Lieu à Dilolo (actuellement Dilolo-Poste). Dilolo-Poste devenait alors un centre florissant avec plusieurs magasins. Quant au District de Lulua, actuel District du Lualaba, son Chef-Lieu était implanté à Sandoa.

Mais l’histoire administrative de Dilolo sera faite de multiples déplacements du Chef-Lieu, de multiples découpages et de multiples modifications des limites du Territoire. Les limites naturelles assignées à ce Territoire étaient, en principe, à l’est le territoire de Lubilashi, au Sud et à l’ouest, l’Angola. Une ordonnance de décembre 1923, modifia les limites, puis une autre celle du 30 novembre 1926. Quelques années plus tard, le 02 mars 1928, le Congo-Belge dut céder au Portugal (Angola) la rive gauche de la rivière Luao, précisément à l’endroit où cette rivière se jette dans le Kasaï.

Au moment de la constitution du Territoire, on établit aussi les limites des chefferies. A cause de la prédominance de la tribu Tshokwe dans cette contrée, les Belges nommèrent ce territoire, Territoire Tshokwe. Les chefferies Tshokwe ci-après furent créées : la chefferie Tshokwe Sayenge en 1925, et la chefferie de Mwakandala, en 1926.

Ces nouveaux regroupements étaient dictés par des motifs politiques et ethniques, car auparavant, le Territoire de Dilolo était compris dans la vaste chefferie de Mwant-Yav et était subdivisé en diverses sous-chefferies, à savoir, Saluseke, Muyeye, Mwene-Kanduke ou sous-chefferie Ndumba, et quelques années plus tard la sous-chefferie de Sakambundji, au Nord-ouest de Dilolo à la frontière avec l’Angola.

Dans le même souci de garantir une unité d’administration non conflictuelle, le groupe de la tribu Luena habitant les villages de Katende et de Tshilemo fut séparé en 1927, de la sous-chefferie Ndumba, dépendant de Mwant Yav directement. Cependant la partie attribuée aux Luena ne sera réellement organisée en sous-chefferie qu’en 1936.

Par ailleurs, par suite de la cession de la rive gauche de la Luao à l’Angola, la Sous-Chefferie de Saluseke devait pratiquement disparaitre. Les belges durent faire quelques aménagements en amputant la Sous-chefferie Ndumba de ses terres pour les attribuer à Saluseke : c’est la partie qui constitue l’actuelle Chefferie Saluseke.

C’est en 1936 que ces Sous-Chefferies acquerront toutes, le statut de chefferie.

LE TERRITOIRE DE LUASHI

La partie Est au territoire de Dilolo, dans les bassins des rivières Lulua et Luashi fut constituée en Territoire au même moment que celui de Dilolo en 1914, c’est le Territoire de Luashi. Il comprenait la sous-chefferie de Kazembe, la sous-chefferie des Lunda du Nord-est, la sous-chefferie de Tshilemo et la sous-chefferie Katende occupées par les Luena, les sous-chefferies de Tshisangama, de Sakayongo et de Mukonkoto habitées par les Ndembo.

En 1928, on traça la route qu’on appelait jadis Leokadi. En 1930, les missionnaires Franciscains s’installèrent près de la rivière Wakola et deux années plus tard, ils virent croître un mouvement à caractère religieux appelé Mahimba. Ce mouvement exaltait le culte des ancêtres. Le Sous-Chef Kazembe en devint un fervent adepte. Au moment de la répression de ce mouvement par les autorités coloniales, le Sous-Chef Kazembe fut arrêté et déchu. Le Territoire de Luashi fut supprimé et devint un poste. Le poste de Luashi subsistera jusqu’en 1948, date à laquelle il sera transféré à Kasaji.



LE TERRITOIRE DE MALONGA

Par l’ordonnance du 21 mars 1932, le Chef-Lieu du Territoire de Dilolo sera déplacé de Dilolo-Poste à Malonga. Les Belges réunirent la contrée de Luashi (près de l’actuelle Kisenge-Manganèse) et celle de Mutshatsha en un seul Territoire pour constituer ce qu’ils appelèrent Territoire de Malonga. Ils retiraient à Dilolo, à Lwashi et à Mutshtsha leurs privilèges antérieurs de chefs-lieux de Territoire. Pour les Belges, en effet, Malonga avait une position centrale pour une bonne administration. Dilolo, devint un poste administratif de même que Luashi et Mutshatsha. Ils étaient dirigés par un Chef de Poste.

C’est à cette date (1932) aussi que fut supprimée l’appellation de District de Lulua en attachant ses territoires à celui de Lualaba.

RETOUR AU TERRITOIRE DE DILOLO

Le Territoire de Malonga vivra jusqu’en 1950. Le 12 janvier 1950, il fut décidé de transférer définitivement le Chef-lieu à la frontière avec l’Angola. Le Territoire retrouva son ancienne dénomination TERRITOIRE DE DILOLO.

Alain Kalenda Ket

DILOLO, reportage d’un observateur

Jadis centre commercial frontalier congolais très florissant, Dilolo-Gare est aujourd’hui une agglomération terne où la population essaie de survivre grâce aux activités orientées vers l’Angola. Le visiteur venant de Kolwezi ou de Lubumbashi par route, débouche immédiatement sur ce qui fut le centre des affaires : de grandes constructions des magasins bâties dans les années 1940 par les commerçants grecs et portugais. Tout de suite, l’on se rendra compte que Dilolo jouissait d’un certain prestige par la coquetterie de ses maisons. La grande artère de la ligne des magasins se prolonge à l’ouest vers la douane et l’Angola. En descendant plus bas vers le sud vous trouverez l’édifice imposant de la Gare SNCC cachée dans une verdure des palmiers. On y accède par une avenue sous forme d’arc qui remonte vers la ville après avoir dépassé une ancienne station d’essence. Les piétons peuvent dévaler les escaliers au centre de cet arc pour atteindre la gare. Les palmiers embellissent le paysage de la ville de Dilolo. Plantés au bord des avenues, ces palmiers, qui s’alternent avec des manguiers, donnent à cette cité un air exotique. Dilolo s’étale ensuite vers le nord où le colonisateur Belge avait implanté les bâtiments de l’administration territorial (Nord-ouest), l’hôpital central, les églises Catholiques et Garenganze… La cité populaire est construite toujours vers le nord en prolongement de la ville après avoir dépassé, dans la vallée, le bruyant marché et le monument du MPR de Mobutu. Cette carte postale de Dilolo dessine une petite ville complète avec une installation électrique et ses conduites d’eau des robinets de la Regideso. A l’extrême ouest, à quelque deux kilomètres du centre-ville, c’est le camp des agents SNCC puis, la douane constituée par des maisonnettes construites par les belges. La rivière Luau est la frontière naturelle qui sépare la République Démocratique du Congo de la République d’Angola. Aussi, les deux villes frontalières de part et d’autre des deux pays portent-elles la même dénomination authentique de Luau (Luau-Dilolo et Luau-Texeira de Sousa). Et aujourd’hui Dilolo… Au centre commercial, les magasins de jadis n’existent plus. A la place, les imposantes constructions abritent quelques boutiques insignifiantes, d’autres sont fermées. La Poste est utilisée par la CENI. Les routes sont toutes crevassées. Comme c’est la mode au Congo, ce sont les motocyclistes qui y règnent en maîtres. Les angolais ont déversé à Dilolo toutes sortes de motos qui servent de taxis. Quelques minibus transportent aussi des passagers vers la douane ou vers la cité. La population essaie de survivre en vendant des cossettes de manioc en Angola. La reconstruction est un mot inconnu à Dilolo. La population se dit délaissée : aucune réalisation visible comme ailleurs dans le pays. Le Président de la Société Civile déclare : « Même dans le projet initial des réfections des routes, Dilolo avait été oublié ». Et lorsque les travaux ont finalement commencé sur l’axe Kasaji-Dilolo (144 km), après moult tergiversations, ils sont mal exécutés et avec une lenteur exaspérante : depuis près de 3 ans quelques machines réparent par-ci, par-là la route nationale menant vers Dilolo sans jamais la terminer. Les grands bus de la Compagnie Tanzanienne TAQWA s’arrêtent à Kasaji. Ils attendent avec impatience l’amélioration de la route pour atteindre Dilolo.

 Quant au chemin de fer, on y voit guère plus clair : le salut de la population de Dilolo devrait venir des activités ferroviaires de la SNCC. Dilolo (via Lobito en Angola) était, en effet, une des portes d’importations et d’exportations privilégiées de la République Démocratique du Congo et du Katanga en particulier. Alors qu’en Angola, les chinois s’activent à réparer les rails du pont reliant l’Angola au Congo, du côté de Dilolo, c’est le calme plat. Apparemment rien ne se fait. A la gare de Dilolo c’est la désolation : l’herbe a envahi les rails, le quai jadis grouillant de monde sombre dans un silence de cimetière. Pour marquer une présence humaine à la gare, un tenancier de débit de boisson est venu se réfugier dans ces installations. On y boit aussi bien la Skol, la Simba que les nombreuses bières et vins de l’Angola. Quelques vieux wagons tout rouillés dans un coin sur les rails de l’espace de la gare témoignent encore aux yeux des buveurs qu’il a existé de vraies activités de cheminots en ces lieux. Ce paysage ressemble bien à celui de la gare de Kolwezi dont le sort est lié à celui de Dilolo. C’est la nuit noire sur ces sites dont dépendent non seulement les vies de milliers d’agents SNCC mais aussi l’économie des populations qui survivent grâce au chemin de fer vers Dilolo. La population du territoire de Dilolo se meure, elle est dépitée. Lorsqu’on voit LUAU (Texeira) à côté, la ville sœur d’Angola renaître de ses cendres de la guerre, on ne peut s’empêcher d’admirer le génie. En effet, dès qu’on traverse le pont à deux kilomètres de Dilolo, le spectacle change : la route vers la ville angolaise (située à 11 km) est merveilleusement asphaltée, les bâtiments de douane angolaise sont impeccables ; la gare, toute jolie, a été reconstruite en étage ; il y a des pompes à essence. Les chinois sont partout au volant de gros camions, s’affairant à reconstruire routes et aéroport international. Une vie nouvelle a commencé pour cette petite ville angolaise qui se reconstruit rapidement (hôpitaux, écoles, hôtels…).

 Une lueur d’espoir pour Dilolo aussi ?…
Deux Ministres Provinciaux du Katanga (celui de l’Education et celui du Budget) viennent d’effectuer une visite d’inspection à Dilolo à partir du 1er octobre dernier. Ils n’ont pas manqué d’aller jusqu’au pont de la douane constater la différence. De par sa position géographique, Dilolo peut espérer renaitre un jour. De gros camions viennent du Kasaï pour se procurer du carburant. Dilolo dispose de deux Radios et d’une Télévision qui diffusent des émissions locales. Au soir, la Ville est éclairée de 19 heures à 22 heures par un groupe électrogène de 250 KVA. Environ 90 ménages sont connectés. Il existe, pour la ville de Dilolo, un projet d’adduction d’eau qui attend le financement de l’Etat(BCCO). Une vieille locomotive commence à atteindre la gare de Dilolo en provenance de Lubumbashi. Et surtout, on attend l’inauguration prochaine (en novembre ou décembre ?) du pont de chemin de fer à Dilolo et la relance du commerce international par la voie de Lobito, reconnue comme la plus courte pour approvisionner l’industrie minière du Katanga. Mais jusqu’à ce jour, les travaux ne s’exécute que du côté angolais. Malgré tout, la population est ballotée par une vague lueur d’espoir… « Quelque chose va arriver… »
                                                                                                
Alain Kalenda Ket